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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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représentant personnel et le nomme délégué du Comité national français pour la zone non occupée. Sa mission sera de réaliser l’unité d’action de tous les éléments qui résistent à l’ennemi, de les subordonner à l’autorité du général de Gaulle et de les amener à agir désormais de concert avec la France libre comme avec les Alliés.
    Moulin sera parachuté en Provence dans la nuit du 31 décembre 1941 au 1 er janvier 1942.
     
    Il n’a subi aucun entraînement C’est à peine s’il sait ce qu’est un parachute. Il plonge dans la nuit vers cette terre où l’attendent non seulement de grands périls mais une tâche quasiment impossible à réaliser.
    Il vient au nom du général de Gaulle. Certes, c’est en écoutant ses appels à la radio de Londres que la plupart des résistants se sont résolus à lutter contre l’occupant et contre Vichy mais, depuis, le lien avec la France libre est resté informel, presque mythologique. C’est sur place que l’initiative de la plupart des actions a été prise. De Londres, on n’a reçu ni ordre ni soutien et, lorsque des informations précieuses y ont été acheminées, on a souvent attendu en vain un commentaire ou un merci. Le pire est que l’on s’accoutume à de telles situations. On n’attend plus grand-chose du général sans visage. On veut bien crier – à voix basse – Vive de Gaulle , mais il est évident que l’on accueillera avec méfiance celui qui voudra, au nom du même de Gaulle, manifester la prétention, lui qui ignore tout du terrain, de donner des ordres à ceux qui le connaissent parfaitement.
    D’emblée, Moulin va se heurter à cet état d’esprit. Henri Frenay le traite en gêneur et lui rappelle brutalement que lui-même représente le plus important mouvement de résistance – dénommé maintenant Combat  –, le seul implanté dans les deux zones. Il n’autorisera personne à s’en mêler ! Frenay va jusqu’à mettre en doute le droit de Moulin de parler au nom de De Gaulle. Moulin lui rétorque en exhibant, dissimulé dans le double fond d’une boîte d’allumettes, le microfilm d’une lettre manuscrite du général.
    Frenay est convaincu mais il supporte mal – il ne le cache pas – l’idée que sa liberté d’appréciation lui soit ôtée. Moulin jure que chaque mouvement restera juge des décisions à prendre pour le bien de la bataille commune. Il n’en faut pas moins que l’action de tous soit coordonnée selon un plan. Chargé par de Gaulle de le faire appliquer, au besoin il l’imposera.
    Il lui faudra des mois pour plaider cette cause. Passionnément, obstinément, ne se laissant rebuter par rien ni personne. Il faut le voir, changeant sans cesse d’identité, usant de tous les moyens de transport : en train, en autocar, à bicyclette, à pied. Il contacte l’un après l’autre les responsables de mouvements, se heurte à leur incrédulité, leur dédain, quand ce n’est pas à de l’hostilité déclarée.
    Aubrac, responsable militaire du mouvement Libération, le rencontre à Lyon, place de la Comédie. Il dira que son premier souvenir de Moulin, c’est une silhouette dans le brouillard. De loin, ils échangent un signe de reconnaissance. Sans prononcer une parole, ils entrent dans la maison qui les attend. Pas plus que les autres responsables, Aubrac ne manifeste d’enthousiasme. L’important est de se battre contre les Boches. Les questions d’organisation passent après. Quand Moulin exhibe sa boîte d’allumettes et son microfilm, Aubrac lance tout à trac :
    Je refuse a priori d’accepter cet ordre comme une preuve de votre autorité.
    — Comme vous voudrez, répond Moulin.
    Récit d’Aubrac  : « Nullement décontenancé, il a souri d’abord, puis, gravement, il a remis l’ordre de mission à sa place. Pauvre Moulin. Il faut bien dire que nous avons été pas mal à nous méfier de lui. Depuis, beaucoup de camarades m’ont raconté que bien souvent il a essuyé des rebuffades de ce genre. Il y répondait toujours par son sourire doux et légèrement énigmatique. Que nous fussions incrédules au moment où il nous annonçait de but en blanc qu’il était venu pour prendre le commandement en chef de nos mouvements, il le comprenait très bien. Nous ne savions même pas comment il s’appelait. Quand je l’ai vu à Lyon, il était M. Marchand. Jusqu’au bout, personne dans la résistance française n’a su qu’il s’appelait Moulin. Ce n’est que

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