C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
conduit directement au premier étage. C’est là, dans la salle à manger, que doit se tenir la réunion.
Aubry a donné rendez-vous à Hardy au bas du funiculaire de la Croix-Rousse. Ils s’y retrouvent vers 13 h 45 et gagnent le bar où Lassagne, toujours à bicyclette, arrive à son tour. Il proteste : Hardy n’a pas été convoqué. Aubry explique que la présence de Didot est indispensable. Sans lui, qui traiterait du sabotage, désormais partie intégrante de la résistance militaire ? Lassagne se laisse convaincre. Il invite ses deux camarades à prendre le funiculaire. Lui les précédera à bicyclette.
Au terminus du funiculaire, Aubry et Hardy empruntent le tramway n° 33 que leur a indiqué Lassagne et descendent à l’arrêt désigné par celui-ci. Lassagne – sportif décidément hors pair – les y attend. Il les guide jusqu’à la demeure du docteur Dugoujon. Ils sont tous trois conduits au premier étage. Un peu plus tard, Bruno Larat va les rejoindre.
À 14 heures, accompagné d’un de ses secrétaires, de Graaf, Jean Moulin rejoint Aubrac, place Carnot. Il lui présente son adjoint, Claude Serreulles, qui doit partir pour Paris afin d’y préparer sa venue. L’entretien se prolonge.
Quand ils arrivent à leur tour au terminus du funiculaire, déjà en retard, Moulin et Aubrac sont surpris de ne pas y voir le colonel Schwartzfeld qui devrait les attendre. Mécontent, Moulin envoie de Graaf aux nouvelles. Le colonel déjeune en famille. Gêné, il jette sa serviette et s’élance à la suite du secrétaire. Les quatre hommes prennent ensemble le funiculaire, puis le tramway. Quand de Graaf les quitte devant la maison Dugoujon, Moulin et ses compagnons ont trois quarts d’heure de retard.
La consultation est commencée. La domestique, ne pouvant croire qu’il s’agit de participants à la réunion qu’elle suppose engagée depuis longtemps, introduit dans la salle d’attente, au milieu des malades, Moulin, Aubrac et Schwartzfeld.
Edmée Deletraz a pris place dans le funiculaire sans que Didot l’ait vue. Elle constate qu’il est accompagné d’un homme qu’elle ne connaît pas. Au terminus, elle voit Didot et son compagnon prendre le tramway n° 33. « Je les suis de loin », dira-t-elle, ce qui nous apparaît peu compréhensible. À-t-elle suivi le tramway à pied, ce qui l’aurait obligée à courir tout au long du trajet ? S’est-elle glissée à leur suite – et sans être vue – dans le tram ? Dans ce cas, ce « de loin » pourrait signifier par exemple que Didot et l’inconnu se trouvaient à l’avant et elle à l’arrière…
Reprenons le récit de Mme Deletraz : « Ils descendent à l’arrêt de la place Castellane. Je ne m’aperçois même pas qu’ils tournent à gauche pour pénétrer sur cette petite place que je ne connais pas. Je continue tout droit dans la grand-rue de Caluire. J’essaie de gagner du temps. Je vais même demander à une dame s’il n’y aurait pas une chambre à louer dans le quartier. »
Elle revient sur ses pas, emprunte de nouveau le funiculaire. « En bas, au terminus, je retrouve les Allemands. Ils sont énervés. “Ils ont perdu plus d’une demi-heure”, me disent-ils. Ils prennent place dans plusieurs voitures noires. Barbie me fait monter dans la sienne. “Conduisez-nous”, ordonne-t-il. Nous passons devant l’entrée de la place Castellane. Je continue tout droit, comme je l’ai fait la première fois. “Mais ça ne peut pas être par là, fait observer au bout d’un moment Barbie. Il n’y a plus rien. Allez, on fait demi-tour.”
« On revient vers le terminus du funiculaire. “C’est ici qu’ils sont descendus, dis-je. – Et après ? me demandent les Allemands. – Après je les ai perdus de vue”, ai-je ajouté, jouant la maladroite.
« Ils durent me croire tout à fait incapable. N’ayant plus besoin de moi, ils me congédièrent. De toute façon, je n’avais pas vu la maison du docteur Dugoujon, où se tenait la réunion. Comment Barbie et ses policiers ont-ils fini par la trouver ? Je ne sais pas. Hardy avait-il laissé tomber sur le seuil le paquet de cigarettes qu’on lui avait donné le matin à la Gestapo ? »
Il faut savoir que les chefs de son réseau se sont portés garants de la sincérité de Mme Delétraz (98) . Tous sans exception.
On se trouve obligé, malgré tout, de constater que son récit s’articule mal avec le témoignage de
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