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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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« Quelles ne sont pas ma stupéfaction, mon horreur lorsque je m’aperçois que l’homme étendu n’est autre que Max Moulin. Celui-ci a perdu connaissance, ses yeux sont creusés comme si on les avait enfoncés dans sa tête. Il porte à la tempe une vilaine plaie bleuâtre. Un râle léger s’échappe de ses lèvres gonflées. »
    Comme on le lui a commandé, Pineau rase ce moribond. Avec d’infinies précautions. Il l’entend murmurer :
    — Boire…
    Il demande de l’eau au gardien allemand qui consent à en apporter. Pineau ne reverra jamais Max.
     
    Quasi inconscient, Moulin a été transféré à Paris. Delestraint et Aubry, attendant d’être interrogés à la Gestapo de l’avenue Foch, le reverront un instant, « allongé sur une sorte de chaise longue ». Il leur semblera être dans le coma  (99) .
    Un policier allemand, Heinrich Meiners, l’aperçoit un peu plus tard dans une cellule du 40, boulevard Victor-Hugo à Neuilly, résidence du SS Sturmbahnführer Boemelburg, là, a-t-il témoigné, où l’on « mettait les prisonniers importants ». Moulin lui donne l’impression d’un homme « très malade et qui n’avait plus pour longtemps à vivre ». Il lui voit « des yeux fixes et par instants hagards ». Le prisonnier se lève et tente de hasarder quelques pas en s’appuyant aux meubles et aux murs : « Il était oppressé et se tenait le ventre et les reins. »
    Meiners se renseigne : qui donc a mis le prisonnier en un tel état ? C’est le résultat des « interrogatoires » subis à Lyon et poursuivis à Paris, lui répond-on. Le rapport de Meiners et l’examen auquel se livre un médecin SS vont entraîner la décision de transférer d’urgence Moulin à l’hôpital de la Police à Berlin. Il est clair que l’on tient à le garder vivant mais sous la main. Sa faiblesse est si grande qu’il faut le transporter en ambulance jusqu’à la gare de l’Est. Le 15 juillet 1943, on le place dans un compartiment spécial du train régulier Paris-Berlin. L’infirmier chargé de veiller sur lui dira que son corps tout entier portait « la trace des coups reçus antérieurement, coups de matraque ou coups de pied ».
    Le train est sur le point d’entrer en gare de Francfort lorsque l’infirmier s’aperçoit que Moulin a perdu conscience. Il fait appel à un médecin qui voyage dans le même wagon, lequel ne peut, en gare de Francfort, que constater le décès. Appelé aussitôt, le commissaire de police de permanence examine le cadavre : « Je constatai qu’il s’agissait d’une personne paraissant avoir beaucoup souffert. »
    Pour quelle raison la Gestapo de Francfort donne-t-elle l’ordre de rapatrier le corps ? Nul ne le sait. Un document émanant de la police judiciaire allemande, en date du 9 juillet 1943, livre une information précieuse : « Le nommé… (état civil actuellement inconnu du soussigné), ressortissant français décédé en territoire allemand, est à retirer ce jour à 18 h 45 par la Police française à la gare de l’Est, et à faire incinérer immédiatement au crématorium de cette ville. Les cendres seront enterrées dans une urne. (Signé :) Muller, Untersturmführer. » Le registre du cimetière du Père-Lachaise confirme que c’est bien le 9 juillet que l’on a procédé à l’incinération  (100) .
    Après la Libération, l’urne sera transférée dans un carré réservé à la Résistance. On l’exhumera, le 18 décembre 1964, pour la transporter au Panthéon.
     
    De tous ceux qui ont été arrêtés à Caluire, faisons l’appel :
    Jean Moulin, mort des suites de ses tortures ;
    Colonel Schwartzfeld, mort en déportation ;
    Bruno Larat, mort en déportation ;
    Colonel Gastaldo, mort des suites de sa déportation ;
    André Lassagne, mort au retour de sa déportation ;
    Henri Aubry, condamné à mort mais libéré fin décembre 1943 ;
    Docteur Dugoujon et colonel Lacaze, libérés au bout d’un an ;
    Raymond Aubrac, libéré au cours d’un coup de main organisé par sa femme.
     
    Doit-on encore se poser des questions quant aux responsables de l’affaire de Caluire ? Le lecteur jugera. Le traître Multon a su beaucoup de choses. Il a tenté de se racheter en passant en Afrique du Nord où il s’est engagé dans l’armée française. Il a participé au débarquement de Provence. Arrêté, jugé, il a été condamné à mort et fusillé. Avec, semble-t-il, un peu de hâte  (101) .
    Pouvait-on

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