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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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attendre la vérité de la bouche de Barbie ? Sur Hardy, on lui doit un grand nombre de déclarations, toutes confirmant sa trahison. Elles contiennent autant, sinon plus, de contrevérités que les contes bleus dont nous a accablé l’ex-Didot.
    Outre l’incomparable grandeur de Jean Moulin et l’héroïsme de ceux qui combattirent à ses côtés, ce qui, dans notre mémoire, demeurera toujours, c’est la grande voix d’André Malraux s’élevant sur les marches du Panthéon cependant que le vent d’hiver faisait claquer les trois couleurs descendues du fronton :
    — Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la Nuit…

VII

Mussolini s’évade
    12 septembre 1943
    Rome, nuit du 26 juillet 1943.
    Au palais de Venise, sous la lumière du grand lustre de la salle du Perroquet, le silence s’alourdit. Assis aux tables disposées en fer à cheval et revêtus de l’uniforme obligé : chemise noire, saharienne noire, pantalon gris-vert bouffant, bottes, les membres du Grand Conseil fasciste – les hiérarques  – écoutent le Duce défendre sa politique. Mal.
    Où est le dictateur orgueilleux qui, torse bombé, mâchoire projetée en avant, galvanisait les foules italiennes ? Il a beaucoup maigri, un ulcère de l’estomac le ronge. Ses traits se sont accusés, comme affaissés. Il donne l’impression d’un homme à bout de forces.
    Quand il est entré, pourtant, rien n’a paru changé d’un rite jamais modifié. Dans un bruit de chaises remuées, les vingt-sept se sont levés. Scorza, le secrétaire du parti, a crié :
    —  Saluto al Duce ! (Salut au Duce !)
    D’une seule voix, tous ont répondu :
    —  A noi ! (À nous !)
    D’un air las, Mussolini a salué ses camarades. Au centre du demi-cercle, il est allé s’installer dans son fauteuil surchargé de symboles : cuir, velours cramoisi, couronnes de lauriers, faisceaux dorés. A-t-il senti le doute, l’hostilité, la réprobation qui déjà l’entouraient ? De sa serviette, il a sorti des papiers, les a étalés sur la table et a pris la parole :
    — J’ai convoqué le Grand Conseil puisque vous en avez exprimé le désir et pour que vous puissiez m’exposer personnellement votre point de vue sur la situation actuelle du pays.
    Pour les hiérarques sur le qui-vive, il tente d’analyser la situation après trois ans de guerre. Il le fait sur un ton si bas que ceux qui ne l’ont pas approché depuis longtemps en restent atterrés. Plusieurs fois, il perd le contrôle de ses phrases ou se trompe de mots. Il affirme qu’il n’a pas réclamé le commandement des forces armées qui lui a été confié en juin 1940 : c’est l’état-major et le maréchal Badoglio qui l’ont voulu. Il passe aux opérations en Afrique, à l’Afrique définitivement perdue, à la Sicile qu’il a fallu céder aux Alliés, il critique sévèrement l’armée italienne qui n’a pas su imiter « la valeureuse résistance des unités allemandes ». Il pose la question, celle-là même qui est sur toutes les lèvres :
    — Aujourd’hui, en Italie, la volonté de se battre existe-t-elle ? Tout est là.
    Ferzoni, l’un des hiérarques, le voit « tâtonnant dans la dialectique, désordonné et incohérent dans les références aux faits ». Un autre, Bottai, éprouve « un sentiment d’imprécision, de falsification plus ou moins consciente des faits, d’incapacité complexe et changeante ».
    Le Duce a-t-il enfin conscience de l’effet qu’il produit ? Il en est à sa péroraison :
    — Je pense que le Grand Conseil doit s’interroger : guerre ou paix ? Résistance à outrance ou capitulation sans condition ? Je crois que le problème ainsi posé, le Grand Conseil pourra apporter à la nation la réponse qu’elle attend en ce moment.
    Il se tait. Qui parlera après lui ? Un seul : le vieux maréchal de Bono. Il tient à défendre l’armée et les chefs militaires. Quand il s’écrie qu’il faut résister à outrance, il est interrompu de toutes parts :
    — En avons-nous les moyens ? Ici comme en Russie, les Allemands nous laissent tomber !… Nous n’avons plus de flotte, pas assez d’avions ni de chars !…
    Dans la salle sonore, c’est un véritable tumulte qui éclate. Des phrases très dures sont prononcées. Pour la première fois, le Duce est mis ouvertement en accusation par ceux qui naguère ont fondé

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