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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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sous-marins allemands et – exploit inattendu – en a coulé un ! Reprenant son pavillon américain, il a participé au débarquement de juin 1944. Après quoi, dévalant l’échelle de la gloire, il a servi de base flottante, puis de bac sur la Seine. Après la guerre, il a enfin regagné l’Amérique où on l’a mis en vente. Pour 50 000 dollars, Mr Dany l’a enlevé à un premier acquéreur qui le destinait à la casse. Il l’a aussitôt placé sous pavillon panaméen.
    Pour aménager le bateau, faire vivre l’équipage, transporter et nourrir les passagers escomptés, il faudra encore de l’argent. Beaucoup. À la base de tout, on trouve une association sioniste, l’Aliyah Beth, et un extraordinaire « manipulateur de fonds », Yakov Eshkoli qui, en jonglant avec les monnaies déstabilisées de l’après-guerre, ne cessera d’accroître le magot versé par de multiples communautés.
    À Baltimore, sur un petit chantier naval, on change la plupart des tôles de la coque et l’on remplace les machines à bout de souffle. Dany en profite pour recruter un équipage, ceci par voie de petites annonces insérées dans les publications de plusieurs organisations juives : « Travail intéressant loin de la maison. S’adresser à PVS, 54, East 70th Street, New York. »
    On engage le premier capitaine, un certain William Schlegev, petit gros de quarante-cinq ans émigré de Bavière. L’homme auquel Dany prévoit, le moment venu, de confier le destin du bateau s’appelle Yehiel Yitzhak Aronavicz, surnommé Ike par ses amis et connaissances. Péremptoire, Dany répète :
    — Ike est un des rares Juifs de Palestine à connaître le métier de marin !
    Pourtant, il n’a que vingt-trois ans. Maigre, frêle, timide, ce sioniste acharné a étudié l’art de naviguer, en Angleterre, au collège King Edward VII.
    À peine les réparations achevées – 125 000 dollars payés cash – Dany sollicite du bureau Veritas de Baltimore un certificat de navigabilité pour un voyage Baltimore-Marseille. Il l’obtient. C’est alors que l’Intelligence Service entre en scène. Il y a longtemps que les services secrets britanniques suivent Dany à la trace et observent de près la remise à neuf du Président Warfield . Le lecteur s’étonnera-t-il que le consul de Panama ait tout à coup retiré son pavillon au navire ? II en faudrait davantage pour embarrasser Dany. À Baltimore, des consulats représentent d’autres républiques d’Amérique latine. Ne voulant pas douter que le Président Warfield va appareiller pour la Chine, le Honduras accorde opportunément son pavillon. Chargé d’une cargaison bien inoffensive – vivres et brassières de sauvetage – le Président Warfield peut prendre la mer.
     
    L’aventure commence mal. Désemparé par la première tempête traversée, le bateau doit être secouru par deux garde-côtes et un remorqueur de haute mer. Il est reconduit – difficilement – au port américain de Norfolk où on le répare. Schlegev jure qu’il ne commandera pas une minute de plus un tel rafiot. Tout cela fait du bruit. Un journaliste américain publie dans le New York Times un article qui en produit plus encore : « Un paquebot américain destiné à l’immigration clandestine en Palestine va appareiller de Norfolk. »
     
    Mr Dany et ses amis se seraient bien passés d’une telle publicité. Le 20 mars 1947, le Président Warfield n’en lève pas moins l’ancre. Cette fois, rien n’entrave la traversée de l’Atlantique et c’est sans encombre que l’on vient s’amarrer à Marseille. Apparemment, pour atteindre la Chine, on n’a pas choisi le chemin le plus court.
     
    Reste à changer les aménagements intérieurs. On commence par casser les cabines, les salles de bains, les salons. Pour le reste, il vaut mieux opérer loin des regards indiscrets. On prend de nouveau la mer. Destination : Porto Venere. En Italie.
    Yossi Hamburger, qui va présider à la transformation définitive du bateau, rassemble en sa personne le sens même – et aussi le symbole – de ce roman vécu. Né en Palestine vingt-neuf ans plus tôt, il a derrière lui cinq générations de Yérusalémites et possède, selon Jacques Derogy, « le physique d’un Américain de cinéma, avec son poil clair, son large sourire aux dents blanches, ses yeux de faïence de Delft ». À dix-huit ans, il militait déjà dans la Haganah et faisait naître un nouveau kibboutz. Ayant reçu de Moshé

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