Charly 9
ces choix
d’hérétiques ! Et que cette nuit, un roi béni du ciel ose enfin commander
d’abattre sa foudre sur les ennemis.
— Oui, mais qui sont ces
ennemis ? s’agace Charles. Des Mongols, des Chinois… ? Nous sommes
tous du même royaume que je sache. Par des mains de Français, des Français
immolés ?
— Dieu attend que vous fassiez
la grande lessive, plaide le garde des Sceaux, et qu’à coups de dagues vous…
— Arrêtez ! le coupe
Charles. Loin de moi cet avenir horrible. Votre Dieu m’échauffe, me presse, il
accable mes sens. J’en ai assez de ce XVI e siècle aux guerres
de religion continuelles…
— C’est le malheur des temps
qu’il faut en accuser, glousse Anjou. Alors, je sais bien, tu me diras :
« La guerre c’est pas beau, la pluie ça mouille et les hommes pourraient
être tous des frères… » Ils sont très jolis tes rêves mais il y a aussi la
réalité, ricane le cadet.
— De là à détruire tant
d’humains… soupire l’aîné.
— Ce ne sont quand même que des
protestants, relativise Nevers.
— Eux s’en prennent aux statues
des saints, aux images pieuses, rappelle le maréchal. Et sur les dalles des
cathédrales, de la semelle, ils écrasent l’hostie, symbole du désaccord
passionnel sur la présence réelle du Christ.
— À Genève, cette anti-Rome, se
plaint le duc, Calvin nommait notre religion « prostituée de
Babylone ».
— La semaine dernière, se
souvient Birague, des inconnus ont décapité une statue de la Vierge dans une
chapelle parisienne.
Gondi raconte :
— À Cléry, les protestants ont
saccagé les ossements du très dévot Louis XI et vous savez bien qu’à
Orléans, ils ont brûlé le cœur de votre grand-père François I er .
Les yeux de Charles, de conseiller
en conseiller, vont de droite à gauche puis dans l’autre sens et recommencent.
La tête lui tourne tandis que le garde des Sceaux surenchérit :
— Les protestants s’emparent de
villes pour égorger les catholiques avant de les jeter dans un puits d’évêché.
Rappelez-vous la « Michelade » de Nîmes !
— Vous faut-il un autre
exemple, Sire ? demande Nevers. Le baron de Piles, vous le connaissez. Un
sacré huguenot celui-là. Il s’est fait un collier d’oreilles de moines.
— Ah, ils ne sont pas raisonnables
non plus, se désole le roi en repoussant doucement son grand chien.
Charles se sent profondément seul.
— Je veux que vous me contiez
la chose. Comment cela se passerait-il ? Et sans feinteries ! précise
le monarque de vingt-deux ans.
Suivant l’emplacement des membres du
Conseil disposés en rang d’oignons, c’est au tour de Tavannes de commencer à
relater ce qui est envisagé :
— Nous fermerons les portes des
remparts de Paris afin que personne ne s’échappe…
La tête du souverain pivote un peu
pour écouter Nevers poursuivre :
— On mettra l’ancre aux bateaux
et tendra une chaîne en travers de la Seine afin qu’aucun ne puisse fuir par le
fleuve.
— Vers deux heures du matin,
prévient Birague, la grosse cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois – la Marie –
sonnera la bénédiction des poignards. Toutes les cloches de Paris lui
répondront.
Le roi éberlué demande en retirant
sa toque blanche pour s’éponger le front :
— Passé minuit, nous fêterons
quel saint ? Ce sera…
— La Saint-Barthélemy, répond
Gondi.
— Est-ce vous, capitaine, qui
mèneriez les opérations ?
— Non, car je serai occupé au
Louvre. Claude Marcel, personnage d’exécution et tout dévoué, en aura la
charge.
Les cheveux du monarque se
hérissent. :
— L’ex-prévôt des
marchands ?! Ce guisard fanatique ? Mais c’est un catholique
extrémiste !
Charles en a le souffle coupé :
— C’est au plus sanguinaire de
la Ligue que vous avez pensé pour giboyer le protestant ?
Le garde des Sceaux justifie avec
gourmandise :
— Au moins, comme ça, on se dit
que ce sera bien fait…
« … pour eux ! »
salive le duc tandis que le roi de France, paume contre la bouche,
s’écœure :
— Cela dégénérerait en un
hallucinant carnage collectif et vous le savez ! À l’intérieur des
remparts, la population fanatisée par le clergé, réveillée par le tocsin et
descendue dans la rue, massacrerait tout ce qui ne crie pas « Vive la
messe ! ».
Le maréchal s’en régale
d’avance :
— Claude Marcel nous a
effectivement prévenus que c’est ce qu’il
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