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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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exterminé à
la hache, il faudrait ensuite aller égorger La Rochefoucauld.
    — Foucauld, mon ami ? Lui
aussi ?…
     
     
    — … Deux morts ?
    — Enfin, deux… balance en
l’air, du plat de la main, un maréchal en uniforme. Un peu plus, Majesté… car
on devra également cogner à l’huis de chez Andelot afin de l’éventrer comme on
le fera dans la foulée, pendant qu’on y est, pour quelques autres… Disons les
grands chefs protestants. En tout, on devrait arriver à six.
     
     
    — Six morts ?
    Près d’une petite table dans ce
cabinet aux poutres dorées et murs alourdis d’allégories alambiquées, le
monarque dilate ses pupilles naïves vers le maréchal :
    — Mais, sieur de Tavannes, je
croyais que, lundi, on avait marié ma catholique sœur Marguerite avec le
protestant Henri de Navarre en signe de réconciliation entre les deux
religions… Et en fait, ce samedi soir, vous voudriez faire tuer les chefs
huguenots venus de la France entière pour assister à la noce ?
    — Ben justement, réagit à la
gauche du maréchal un gros duc empoudré et encombré de dentelles aux nœuds
savants. On s’est dit que, puisque toute l’aristocratie protestante se retrouve
providentiellement réunie à Paris, ce serait quand même dommage de ne pas en
profiter…
    Le garde des Sceaux, écharpe brodée
en travers du buste, partage cet avis :
    — Nevers a bien raison, Sire.
Si vous voulez, c’est comme une opportunité… poursuit-il d’un air léger.
Pouvoir en une nuit couper toutes les têtes du dragon de l’hérésie est une chance
qu’on ne retrouvera pas de sitôt. Ils sont là. On en tue dix et c’est réglé.
    — Dix, René de Birague ?
J’avais entendu six.
    — Oui, oh, six, dix… Vous
chipotez, Majesté ! commente le capitaine de la première compagnie des
gentilshommes de la Maison du roi. En tout cas, Sire, pas plus de cent.
     
     
    — Cent morts ?
    Charles, bouche bée, balaie du
regard son Conseil aligné. Il en arrive à sa mère qui ne dit rien.
    Bras droit accoudé à sa table
envahie d’une arbalète et d’un cor de chasse sur des recueils de poésies, d’un
filet pour attraper les oiseaux près d’une sonnette à rapace, le jeune roi ne
comprend plus rien. Tout l’étonne. Alors que, près du mur, le capitaine
s’adresse malignement à lui en termes de chasseur : « Nous tenons la
bête dans les toiles. Hâtez-moi d’envoyer les piquiers », Charles
contemple derrière le soldat une tapisserie où l’on voit un cerf qui a un œil
bleu. Le roi ne l’avait jamais remarqué. Encore un drôle de truc, ça ! Le
souverain se lève.
    Grand, mince et étroit d’épaules,
ses longues jambes moulées dans des bas blancs vont sur les carreaux de faïence
fleurdelisés du sol qui résonne du choc de ses éperons en forme de col de cygne
avec une étoile roulante au bout. Descendant à mi-cuisse, sa
« trousse » bouffante ressemble à une couche-culotte alors qu’il
s’approche de l’intrigante tapisserie.
    On peut y admirer un dix-cors
bousculé par cinq chiens et même une chienne sautés ensemble sur lui. Un limier
lui mord une oreille. D’autres le prennent à la gorge, fouillent vers son
ventre, son cœur. Et le cervidé, cinq andouillers sur chacun des bois – à sept
ans, c’est jeune pour vivre ça –, lève, de profil, sa tête aux abois vers les
nuages. Il a un œil bleu.
    À hauteur de visage du monarque,
l’iris tissé est gratté. Charles observe ensuite les particules de laine bleue
restées sous son ongle : « Bizarre, ça. Un cerf a toujours l’œil
noir… »
    Le roi de France pivote :
    — Jamais, je n’ordonnerai ce
que vous me réclamez. J’aimerais mieux que mon corps soit traîné dans la boue
des rues de Paris !
    Cette déclaration solennelle se
retrouve suivie d’un ricanement dans le cabinet du souverain :
    — Je vous l’avais dit qu’il
n’oserait pas. C’est un chapon-maubec !
    Celui qui vient de s’exprimer est
debout derrière la mère et les membres du Conseil, alors ils se retournent tous
et lèvent la tête pour voir le roi venir postillonner dans la figure de
l’insolent :
    — Moi, poltron ? Henri, tu
oses me dire ça, toi, le fot-en-cul !
    C’est vrai que Henri a un genre…
Menton ras, face pâle, geste efféminé, l’œil d’un Sardanapale, voilà tel qu’il
paraît en ce bal. Garni bas et haut de roses et de nœuds, visage de blanc et de
rouge empâté, une coiffe en forme de

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