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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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l’autre, nerveux, hostile à cette atmosphère de réjouissances. Visiblement, cette nuit-là, la magie des bals viennois dont il avait parlé ne parvenait pas à agir sur lui.
    — Elle n’arrivera donc jamais, la sale pie ?
    Il supportait mal cette attente. Margont réalisa que Relmyer s’était reconstruit différemment de Luise et de lui-même. Au lieu de se renforcer sur le plan de l’esprit, il avait pris appui sur le physique. Il s’était entraîné sans relâche, couvrant son corps d’une carapace de muscles discrète, mais efficace et allant jusqu’à faire de son sabre un véritable membre supplémentaire. Cependant, en cet instant, la force physique ne lui servait à rien et l’impatience faisait flamber son angoisse. Son regard dérivait vers le punch que les valets en livrée jaune servaient à la louche. Trois ou quatre verres et il se serait senti tellement mieux... Les grandes coupes en cristal emplies de ces liquides orangé ou citrin étaient des puits dans lesquels il risquait de se noyer.
    — Je me demande s’il se trouve dans cette salle, déclara-t-il de but en blanc.
    Cette phrase, abrupte, effrayante, dissipa tout ce qui venait de s’établir entre Luise et Margont.
    — Mais je ne l’aperçois pas, ajouta-t-il.
    Luise se perdit dans un tourbillon d’émotions. Colère, frayeur, impuissance, désespoir et révolte contre ce désespoir : tout se mêlait en une cacophonie déroutante. Paradoxalement, son visage demeurait inexpressif.
    — Tu ne cesseras donc jamais de rechercher cet homme, Lukas ?
    — Non.
    Les traits de Luise se crispèrent.
    — Alors, durant toute notre vie, nous serons hantés par cette affaire ! Et si tu ne le retrouves jamais ?
    Relmyer pivota sur ses talons et, leur tournant le dos, leur lança :
    — Amusez-vous si vous le pouvez ! Je viendrai vous avertir quand Mme Blanken sera arrivée.
    Luise s’approcha du buffet. Elle réclama de l’eau fraîche, s’énerva de la lenteur maniérée du serviteur, changea d’idée et abandonna le verre plein sur la nappe d’un blanc éblouissant. Elle toisa Margont en feignant d’être choquée.
    — Ignorez-vous donc qu’il est inconvenant qu’une demoiselle se trouve seule en compagnie d’un homme ? Si vous ne m’invitez pas immédiatement à danser, les gens vont jaser.
    Margont rêvait d’accepter, mais la grâce des couples qui tournoyaient l’intimidait.
    — Aucune importance si vous ne savez pas valser, précisa Luise. Laissez-vous guider par moi.
    Cette phrase irrita Margont. Tout se passait trop souvent ainsi depuis leur rencontre.
    Luise l’entraîna au milieu des couples, afin de s’abriter des regards. Rapidement, Margont se sentit grisé par un léger vertige. Il tenait Luise dans ses bras et le monde tournoyait autour d’eux. La guerre était si proche, il avait failli se faire tuer à Essling et il s’effondrerait peut-être sur le prochain champ de bataille. Il pouvait tout aussi bien ne lui rester que sept jours à vivre. Alors il se força à oublier son enquête, la fureur des combats passés et le cataclysme militaire à venir dont les signes avant-coureurs s’accumulaient. Cette valse, c’était quelques minutes arrachées à la folie chaotique du monde. Il accéléra le rythme, fixant le visage enjoué de Luise tandis que la vitesse effaçait le reste de l’univers. Elle sourit, découvrant ses dents, petites taches couleur de lait. L’orchestre succombait lui aussi au pouvoir de la musique. Le tempo s’emballait. Les gestes du chef d’orchestre se déliaient. Désormais, c’était lui qui obéissait à sa baguette. La musique s’interrompit sèchement. Le silence fut une gifle. Des applaudissements crépitèrent. Il y eut un bref va-et-vient, échange de cavaliers et de cavalières. Margont ne lâchait pas Luise.
    — Encore ! s’exclama-t-il à mi-voix.
    Une nouvelle valse démarra. Ils virevoltaient dans un flou tissé des couleurs des tenues et des lueurs des bougies reflétées à l’infini par les glaces et les lambris dorés. Le parfum de Luise, musqué, se mélangeait à la magie de la mélodie. Le bras de Margont, insensiblement, enserrait de plus en plus la taille de la jeune Autrichienne. Le temps se trouvait aboli, tout comme l’étaient les pensées et ceux qui les entouraient. Leur couple était devenu une bulle d’émotions qui roulait sans fin dans la lumière.
    L’orchestre s’interrompit. Margont vibrait à l’idée de la

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