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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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géants encore agrandis par leurs énormes bonnets d’ourson que leurs ennemis reconnaissaient de loin avec effroi, ces fidèles parmi les fidèles, ces troupes d’élite que Napoléon n’utilisait qu’en dernier recours, ces prétoriens qui n’avaient jamais perdu une bataille et dont la marche signait l’arrêt de mort de ceux qui tentaient de leur barrer la route... Tout ce monde bavardait, buvait, courtisait, dansait... Au fond de la grande galerie trônait une monumentale pendule en porcelaine de Saxe. On ne pouvait l’ignorer. Sa présence murmurait : « Dépêchez-vous, l’heure tourne et la vie est si brève... » Un message connu et ressassé, mais tellement vrai ! Et plus vrai encore pour ces militaires qui seraient peut-être tous morts dans un mois.
    Les Autrichiens étaient également nombreux : sympathisants de l’Empire français, partisans d’une Révolution autrichienne ou simples curieux désireux de discuter avec quelques hauts personnages...
    Margont aperçut enfin Luise, qui venait de se libérer d’une conversation, mais se garda bien de lui faire signe ou d’avertir Relmyer. Elle était sublime. Sa robe blanche, aux plis organisés pour évoquer le drapé antique des toges, atténuait la blancheur de son teint. Les manches bouffaient au niveau des épaules puis cessaient d’exister. De longs gants s’étiraient jusqu’au coude. Ses escarpins battaient la cadence, tantôt celle des valses, tantôt celle de son impatience. Un noeud rouge lui tenait lieu de ceinture alors que les autres invitées avaient opté pour des ceintures dorées ou crème. Non seulement cet écarlate accrochait hardiment l’attention, mais l’insolent insistait puisqu’il se manifestait également par une fleur épinglée sur la poitrine. Blanc et rouge – les couleurs de l’Autriche – et l’écarlate sur le coeur : Luise affichait ses convictions patriotiques. Elle devait s’irriter de voir ses parents accueillir ainsi des Français chez eux. Sa coiffure n’avait pas changé et Margont s’en réjouit, car cette mode des coupes à la Titus – cheveux très courts et frisés – lui déplaisait. Il ne comprenait pas que l’on veuille vivre avec mille huit cents ans de retard. Et, heureusement, elle n’arborait pas l’une de ces ridicules couronnes de fleurs tombées d’un tableau fantasmagorique brodant sur les Muses. Luise ne les avait pas encore aperçus et les cherchait elle aussi. Combien il était délicieux de pouvoir observer à la dérobée une femme qui vous attirait ! Margont pouvait la contempler au-delà des convenances. Il voulait capter l’instant où elle allait enfin l’apercevoir. Il guettait ce bref laps de temps écrasé entre la recherche anxieuse et le moment où les obligations sociales reprendraient le dessus. Cette seconde de vérité durant laquelle l’émotion et la surprise feraient brièvement tomber ce masque que la société vous obligeait à appliquer sur votre visage. Hélas, Relmyer adressa un signe de la main à Luise et, lorsque cette expression de joie intense se peignit sur les traits de celle-ci, Margont fut incapable de dire quelle part revenait à Relmyer et quelle part était la sienne.
    Margont et Relmyer contournèrent la piste de bal où les couples, se tenant par la main, bras levés, composaient des motifs complexes à l’harmonie agréable, mais artificielle. Ils passèrent devant l’orchestre – perruques poudrées, livrées ocre, bas de soie et dynamisme muselé par la bienséance –, déclenchèrent une tempête de glousseries qui agita des éventails tandis qu’ils frôlaient une assemblée de demoiselles en quête de cavaliers et rejoignirent Luise qui avait marché à leur rencontre. Celle-ci fixait Relmyer, les yeux embués par les larmes. Son trouble, mal interprété, lui valut les regards foudroyants de quelques dames choquées.
    — Tu as grandi... balbutia-t-elle platement.
    Relmyer était tout aussi ému. Mille phrases leur venaient à l’esprit, mais ils ne parvenaient pas à en prononcer une. Leur bonheur, évident à voir et inexprimable, se mêlait à leur tristesse. Car leur réunion soulignait l’absence de Franz. Leur couple était un trio amputé.
    Margont souffrait de ne pas exister pour Luise en cet instant. Une fois encore, le passé dissipait le présent et Margont n’appartenait pas à cet univers-là. Les joues de Luise se colorèrent et sa voix se raffermit.
    — J’avais tant de reproches à te

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