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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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précédent, elle avait les larmes aux yeux. Elle releva le menton et s’exprima d’une voix nette.
    — Nous t’emmenons te promener dans Vienne. Nous irons aussi visiter les jardins du château de Schönbrunn. Ils sont si jolis... Tu te souviens d’eux ? Nous y allions, autrefois...
    — Nous promener ? répéta Relmyer.
    Il paraissait ne rien comprendre. Tout ce qui s’éloignait de son obsession était vide de sens pour lui.
    — Oui, nous promener.
    — À Schönbrunn ?
    Luise haussa le ton.
    — Nous allons marcher dans Vienne et dans Schönbrunn ! Crois-tu que je vais te laisser te tuer avec tes papiers ? J’exige que tu sortes d’ici !
    Sa voix résonnait, butant contre les murs du Kriegsministerium comme elle le faisait contre l’esprit fermé de Relmyer.
    Le jeune hussard se laissa entraîner plus qu’il ne donna réellement son accord. Luise décida qu’avant toute chose son frère devait manger. Margont proposa de se rendre au café Milano afin d’y retrouver Saber.

 
    CHAPITRE XV
    L’enseigne du Milano représentait une énorme cafetière en cuivre tenue par un petit Noir. La salle, bondée et bruyante, déplut aussitôt à Margont qui se demanda ce que Saber pouvait bien faire là pendant des journées entières. Lefine, en proie aux mêmes interrogations, suggéra une raison en désignant des billards, sans convaincre toutefois Margont. Saber était installé dans un angle de la pièce. Comme à son habitude, il avait pris possession des lieux. Sa table disparaissait sous des cartes, livres, gazettes, courriers... Sa façon même de se tenir, assis avec toute l’assurance du monde, concentré, donnait l’impression qu’il était chez lui et qu’il avait bien voulu tolérer que l’on transforme son bureau en café. Il discutait avec deux autres lieutenants. Aucun des nombreux clients debout n’osait leur réclamer l’une des chaises vides sur lesquelles ils empilaient des fatras de missives.
    Margont les rejoignit et on échangea les présentations. L’un des lieutenants, un certain Valle, adressa un sourire exquis à Luise, qui afficha son désintérêt en se tournant pour commander des cafés et du pain avant d’« oublier » d’écouter la suite des compliments que lui servait cet officier. On n’entrait pas aussi facilement dans son monde. Saber manifesta de la froideur à Relmyer, à qui il en voulait toujours d’avoir blessé Piquebois. Il fit place nette sur les chaises vacantes en jetant par terre ce qui les encombrait et réagença ses documents. Comme Margont, Saber raffolait de l’état d’excitation que suscitait ce breuvage. Il buvait avec des gestes artificiels, maniérés. Un serveur apporta sur un plateau une myriade de tasses, une immense cafetière, un broc de lait et un autre de crème. Vienne était le paradis des buveurs de café. Saber transforma le sien en miel à coups de morceaux de sucre. Luise emplit de crème celui de Relmyer, plus pour le nourrir que pour lui faire plaisir. Margont appréciait le café pur, fort et amer. Lefine, lui, choisit de le « sucrer au schnaps » après s’être emparé d’une bouteille sur le comptoir. Luise ne commença à déguster sa boisson que lorsque Relmyer eut déjà vidé deux fois sa tasse. Margont dut insister pour que le domestique qui accompagnait Luise osât accepter une tasse. Ce dernier fut étonné d’être traité sur un pied d’égalité et, dans le secret de ses pensées, des idées républicaines germèrent. Le seul fait de se servir du café, de l’accommoder selon son choix, vous procurait un délicieux plaisir, exacerbé par la présence d’amis. C’était un moment si agréable... Margont oublia un instant la guerre. Saber s’empressa malheureusement de la lui rappeler.
    — Voici l’Europe.
    Lefine écarquilla les yeux en réalisant que Saber désignait des cartes. Des cartes ! Tous les états-majors en cherchaient. On les payait comme s’il s’agissait de toiles de maître ! De l’or ! Juste là, sous ses yeux !
    — Voilà les Autrichiens, annonça Saber en renversant la boîte à sucre.
    Les troupes autrichiennes vinrent prendre possession d’une partie du monde. Un monticule symbolisait l’armée de l’archiduc Charles. Saber disposa également des morceaux de sucre dans le Tyrol, en Italie et en Pologne. Il utilisa ensuite de la mie de pain pour matérialiser les forces françaises et alliées.
    — Maintenant les Russes : sucre ou mie de pain ?

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