Chasse au loup
pas de paraître ridicule ? Ses yeux suffisaient-ils à garantir la bienséance ? – , Luise déclara :
— J’accepte de vous aider. Hélas, je ne peux pas certifier que j’obtiendrai une réponse. Et quand bien même, elle sera sûrement partielle. Une foule de gens participent à la bonne tenue des registres militaires : des noms risquent d’être oubliés...
— Nous utiliserons ce que l’on voudra bien nous donner.
— Et cela va prendre des jours...
— Avons-nous d’autres choix ?
Relmyer n’était pas de cet avis.
— Remuer de fond en comble les archives autrichiennes ! Voilà ce qu’il faut faire ! Je commence immédiatement.
Luise l’invita vainement à s’asseoir d’un geste de la main.
— Mais... Vous allez bien rester un peu... Cette affaire t’épuise, Lukas, repose-toi au moins durant quelques minutes... Juste le temps d’un café ou d’un cacao...
Relmyer secoua la tête. Buté. Intraitable. Margont se sentait obligé de l’accompagner, car son ami n’obtiendrait pas facilement l’autorisation de compulser les archives du fait de ses origines autrichiennes. Relmyer s’apprêtait à sortir lorsqu’il aperçut la collection de figurines. Il se figea, stupéfait. Il adressa un nouveau regard à Luise et voulut dire quelque chose, mais, les mots ne venant pas, il lui effleura finalement le bras sous le regard scandalisé de Mme Hilde. Puis le jeune hussard s’engouffra dans la rue comme s’il avait plongé dans la mer.
Margont le suivait avec peine, lui qui avait pourtant l’habitude de marcher à toute allure. Lefine avançait normalement, loin derrière, en secouant la tête. Margont enrageait d’avoir dû quitter Luise, mais il comprenait la réaction de Relmyer. Celui-ci se précipitait vers ce qu’il pensait être une voie de salut comme lui-même s’était mis à courir lors de ses tentatives d’évasion de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert. Il n’était pas seulement question d’arrêter un assassin et de briser le silence qui entourait cette affaire. Il fallait aussi se libérer de l’emprise des souvenirs qui revenaient sans relâche hanter vos pensées, en particulier dans les périodes d’inactivité, et vos rêves. Oui, c’était une guerre de libération.
CHAPITRE XIII
Le Kriegsministerium affichait la grandeur froide et oppressante des bâtiments administratifs imbus de leur importance. Les deux sentinelles qui encadraient l’entrée présentèrent les armes à Margont et à Relmyer. Leur rigidité martiale s’harmonisait à la perfection avec la façade.
Six autres soldats, en faction devant des colonnes en marbre, gardaient le vestibule, monumental. L’officier de permanence, un capitaine, avait disposé son bureau de façon à pouvoir surveiller le grand escalier sur sa droite et la porte à double battant sur sa gauche. Aidé de deux caporaux qui faisaient office de secrétaires, il dressait avec application des inventaires dans une forte odeur de cire, de vieux papiers, de poussière et de cuir. Méticuleux, il avait boutonné son col de façon protocolaire, s’étranglant pour satisfaire le règlement. Son visage, sanguin, empâté par la mauvaise circulation, se tourna vers l’un de ses sous-officiers.
— Vous vous êtes trompé de ligne, Carrefond ! Petit désordre, grande catastrophe ! Encore une erreur et je vous fais muter dans les voltigeurs.
Il déchira la feuille et la jeta dans une corbeille qui débordait. S’adressant enfin aux nouveaux venus, il demanda :
— Que désirent ces officiers ?
Relmyer le salua et exposa sa requête, évoquant sans la détailler « une affaire personnelle d’une extrême gravité ». Le capitaine se montra étonnamment aimable. Il lui confirma que l’on n’avait pas pu se saisir des registres consignant les états de situation de l’armée autrichienne. Il annonça que, par principe, il était réticent à laisser quiconque brasser des documents sans une autorisation officielle. Puis il ajouta que les Français s’étaient emparés de Vienne depuis maintenant trois semaines. Les archives demeurées dans la capitale avaient donc déjà été examinées en partie. Il précisa que l’on commençait à désespérer d’y trouver quoi que ce fût d’intéressant concernant l’armée ennemie. L’Empereur préférait finalement s’en remettre uniquement à ses espions, aux reconnaissances effectuées par ses soldats et à ses alliés russes, polonais,
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