Chasse au loup
longuement. Enfin, il parla.
— Il n’est pas sur votre feuille. C’est parce qu’il a été renvoyé le jour même où on a découvert qu’il était à l’origine de ces manipulations dont on ignore la raison. Lui clame son innocence. Après la fin de la guerre, il sera convoqué par un tribunal militaire. Il se nomme Hermann Teyhern.
— À quoi ressemble-t-il ? le pressa Relmyer.
— Je ne l’ai jamais rencontré. Je ne travaille sur les registres de l’armée que depuis peu.
— Sert-il dans les volontaires viennois ?
— Tout ce que j’ai entendu dire à son sujet, c’est qu’il habite dans le village de Leiten.
Relmyer le remercia et s’en alla précipitamment : on avait repéré la tanière du loup, la chasse pouvait débuter.
CHAPITRE XXV
Relmyer rassembla prestement un nouveau détachement de hussards, mais, cette fois-ci, on contourna les forêts.
Le village de Leiten couronnait une colline et glissait vers un vallon tapissé de cultures. La maison de Teyhern se trouvait à l’écart, isolée par un grand bois. Relmyer la fit encercler.
La vaste bâtisse, en pierre, dominait une cour ceinturée par un mur. Tous les volets étaient fermés, donnant à ces lieux des allures de forteresse. Relmyer s’empara d’une hache fixée à la selle de sa monture. Il allait s’en prendre à une fenêtre proche de la porte, mais Margont lui conseilla d’en choisir une située sur la façade arrière. Relmyer obéit et attaqua les volets avec vivacité, projetant des éclats de bois dans un beau vacarme.
Lorsqu’il pénétra dans la maison, il fut gagné par une vive angoisse. La pénombre lui rappelait la forêt dans laquelle il avait failli se faire tuer. Il traversa la pièce en coup de vent, sans prendre le temps de laisser ses yeux s’habituer à l’obscurité, heurtant des fauteuils, et il ouvrit d’autres fenêtres. Il ne put retenir un cri. Dans le salon ainsi révélé se trouvait le portrait de celui qu’il avait tant cherché. Le tableau, de petite taille, décorait l’un des murs, au milieu de paysages.
Cette oeuvre raviva chez Relmyer le souvenir de son enlèvement. Il se laissa gagner par l’illusion que cet homme se tenait là, face à lui. Un abîme s’ouvrit en lui mais Relmyer refusait de détourner la tête. C’était une nouvelle épreuve qu’il s’infligeait, un énième entraînement pour s’assurer qu’il était prêt. Il marcha jusqu’au portrait et fixa ces yeux bleus immobiles, soutenant ce regard criant de réalisme.
Les soldats fouillèrent la maison et ses environs de fond en comble. Mais les lieux étaient vides. L’absence de vêtements féminins indiquait que Teyhern était célibataire. Il possédait deux fusils disposés sur un râtelier. Il avait décoré les pièces avec goût : tableaux, meubles français, commodes en marqueterie, tapis turcs, vases en porcelaine ou en cristal... Relmyer se rendit quatre fois à la cave, obsédé par l’idée qu’un adolescent y agonisait, dans un recoin que l’on n’avait pas remarqué. Il sonda les murs afin de découvrir une cache, chercha une trappe menant à une seconde cave, ouvrit un tonneau qui ne contenait que du vin...
Alors, il retourna dans le salon, orageux, bousculant au passage Pagin qui ne l’avait pas vu revenir. Il se laissa tomber dans un fauteuil Louis XV, juste en face du portrait, les jambes étirées, raides.
— Je vais l’attendre ici, annonça-t-il. Cinq ans de plus s’il le faut.
Margont voulait envisager toutes les hypothèses et les hiérarchiser comme les entomologistes classaient les insectes en familles et sous-familles.
— Soit il s’agit bien de l’homme que nous recherchons, soit pas. Si...
Relmyer, les coudes appuyés sur les accoudoirs, gesticulait.
— Nous avons son portrait et l’affaire des registres ! Un portrait, c’est un objet personnel, on ne l’offre pas à un ami !
— Effectivement. J’ai aussi vérifié qu’il n’y avait aucune trace d’effraction hormis la nôtre. Donc l’assassin ne s’est pas introduit ici en secret pour déposer ce tableau.
Relmyer le contempla avec rage. On y était presque ! Qu’était-ce encore que toutes ces considérations ? Margont souleva le portrait et les autres peintures, cherchant à voir si les parties du mur ainsi protégées de la lumière et de la poussière composaient des marques qui correspondaient bien aux contours des toiles. Cet examen n’amena rien de concluant et
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