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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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vertus sudorifiques, et devinait qu’Eleazar Latam en avait dans
ses entrepôts. Il s’était confondu en remerciements. Au dernier moment,
Cristovao avait renoncé à tirer profit de son avantage. Il se souvenait qu’il
avait, sur un ton badin, évoqué ses études à l’université de Pavie. Or, en
répondant à ses questions, son interlocuteur devinerait vite qu’il avait menti.
Il déchiffrait à peine le latin, ignorait le grec, et était bien capable de
confondre César et Hannibal. Tout son maigre bagage consistait en quelques noms
et quelques phrases entendus au passage, qu’il prenait grand soin de répéter
avec un air sérieux pour donner du poids à ses dires.
    Il avait jugé plus prudent de s’ouvrir de ses interrogations
à mestre Estevao. Prévenu par Bartolomeo de son retour, celui-ci avait invité
son compatriote à lui rendre visite. Le marin s’était prêté de bonne grâce au
véritable interrogatoire auquel l’avait soumis le cartographe. Il voulait tout
savoir des routes qu’il avait empruntées, des vents qu’il avait essuyés et des
récifs qu’il avait rencontrés. Apparemment, ses propos étaient décousus, il
sautait du coq à l’âne mais c’était pour mieux endormir la méfiance de son
interlocuteur. Cristovao se doutait bien que ce vieux grigou se servirait de
ses informations pour enrichir ses cartes et portulans. Il ne manquerait pas de
raconter aux pilotes qui fréquentaient sa boutique que lui-même avait longtemps
navigué dans ces parages et qu’il parlait donc d’expérience, ce qui
l’autorisait à relever ses tarifs.
    Il avait bien ri quand mestre Estevao avait poussé de hauts
cris en apprenant que son jeune ami n’avait pas navigué sur une mer prise par
les glaces. À ses yeux, cela dépassait l’entendement et son visage était devenu
soudain écarlate, comme si les flots lui faisaient un affront personnel. Non,
ce ne pouvait être vrai et ce n’était pas au prétexte bien léger que son invité
avait pu le constater de visu qu’il allait remettre en cause ce que tous
savaient d’expérience.
    Cristovao avait vite compris qu’il ne servait à rien d’insister.
Son frère pourrait peut-être avoir à pâtir de son obstination. Il concéda donc,
en mentant effrontément, que le pilote avait pris une route ignorée de ses
pairs et qu’on pouvait voir au loin d’énormes masses de glace voguer sur les
flots. Mestre Estevao poussa un soupir de soulagement : la mer se
comportait bien comme elle devait le faire et il le souligna avec
insistance : rien n’est plus trompeur que de prêter foi à ce que l’on
voit.
    Cristovao, rasséréné, s’enhardit à lui poser la question qui
lui brûlait les lèvres :
    — Possédez-vous parmi vos trésors une carte de
Cypango ?
    Mestre Estevao joua d’abord l’étonné. Par saint Georges,
patron de sa ville natale, jamais il n’avait entendu parler de cet endroit au
nom barbare. Son invité était-il sûr qu’il existât pareille contrée ? On
pouvait s’attendre à tout de la part d’un homme incapable de constater que la
mer était bien prise par les glaces.
    Cette fois, Cristovao ne put retenir sa colère :
    — Vous me dites tout ignorer de Cypango. Un cartographe
aussi réputé que vous ne peut pas ne pas avoir lu Marco Polo.
    — Je comprends mieux maintenant les raisons de votre
attitude. Quelqu’un vous a fait lire son Devisement du monde et vous
croyez tout ce qui y est écrit. Vous me faites l’impression d’un gamin auquel
on a donné une toupie et qui ne peut plus se séparer de son jouet. Ainsi, c’est
de Marco Polo que vous tenez toute votre science. Malheur aux marins qui
navigueront sous vos ordres ! Pour ma part, si j’avais vécu en même temps
que lui, jamais je ne serais monté à bord d’un bateau avec Messer Millione,
j’aurais eu trop peur qu’il nous fasse chavirer à force de poursuivre ses
chimères. C’était sans nul doute un formidable conteur et je vous assure qu’il
vaut bien dix Génois pour ses mensonges. Mais les cartes que nous dressons se
doivent d’être les plus exactes possibles. C’est ce qui fait notre réputation.
Quand je ne puis vérifier un renseignement, je préfère ne rien marquer ou m’en
tenir à ce qu’ont dit les Pères de l’Église. Tenez, voilà une carte de la Terre
sainte composée d’après les indications de saint Jérôme. Partez avec elle sur
les traces du Christ. Vous pourrez marcher les yeux fermés, en vous

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