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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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fiant
aveuglément à ce qui y est porté. Je ne suis pas sûr qu’un marchand qui
suivrait les indications de Messer Millione, parviendrait à sortir des sables
du désert.
    — Donc, selon vous, Cypango n’existe pas ?
    — Du seul fait que Marco Polo la mentionne, je suis
enclin au doute. Enfin, Cristoforo, ou Cristovao puisque vous changez de prénom
selon que cela vous arrange, vous êtes Génois comme moi. Les Vénitiens sont nos
pires ennemis ; ils sont prêts à tout pour nous induire en erreur. Vous
avez une petite mais flatteuse réputation. Ne la gâchez pas en vous couvrant de
ridicule et en colportant de telles sottises.
    Cristovao se l’était tenu pour dit. Il n’avait rien à
attendre de mestre Estevao. Ce dernier tenait trop à sa clientèle pour se poser
des questions. Ce qu’il ignorait, c’est que, dès qu’il avait eu le dos tourné,
le cartographe s’était précipité chez Eleazar Latam avec lequel il avait eu un
long entretien. L’armateur l’avait remercié de ses informations et lui avait
laissé entendre que les frères de Sagres sauraient le remercier pour son zèle.
    Le soir même, Eleazar avait rendu visite à José Vizinho, le
médecin du prince héritier, qui l’avait fait longtemps attendre. Son royal
patient avait besoin de ses soins. Il avait pris froid au retour d’une partie
de chasse et gémissait dans son lit, enveloppé dans d’épaisses fourrures. Le
médecin lui fit boire un peu de vin chaud et demanda qu’on ôtât des fenêtres
les tapisseries et les tentures qui les obstruaient. Il fallait aérer la pièce
pour en chasser les humeurs qui montaient à la tête du malade. Il conseilla à
ce dernier de prendre du repos et de renoncer provisoirement à chevaucher des
journées entières avec ses barons. En huit jours, il serait remis sur pied.
    Le prince héritier hocha la tête d’un air résigné :
    — Me voici donc condamné à l’oisiveté. Il est heureux,
mestre José, que vous soyez juif et que votre seule vue ait fait fuir mon
chapelain. Je préfère vos drogues à ses sermons interminables. Elles me
réchauffent le cœur plus que les flammes de l’enfer qu’il fait danser sous mes
yeux en m’assurant que j’y brûlerai si je ne m’amende pas. J’ai bien envie de
l’expédier évangéliser les Nègres. Il rôtira au soleil et me suppliera de le
rappeler à la cour.
    José Vizinho sourit. Il n’aimait pas ce moine aux yeux de
braise qui ne cachait pas sa haine des Juifs et des Maures. Cet imbécile avait
l’oreille des marchands lisboètes qui voulaient se débarrasser de leurs
concurrents. Fort heureusement, il s’était attiré les foudres des nobles en
critiquant leur train de vie dispendieux et leur inconduite notoire. On
murmurait qu’il avait refusé l’absolution au duc de Viseu au motif que ce
dernier refusait de se séparer de sa maîtresse. Quant au prince héritier, il le
houspillait sans gêne, prétendant que la peur de l’enfer était le remède le
plus adapté à ses maux, et il pestait en constatant que ses propos n’avaient
aucun effet sur lui. José Vizinho jugea utile d’entretenir le courroux du
prince :
    — L’Afrique, monseigneur, ce gredin n’y mettra jamais
les pieds ! Il préférera s’enfuir à Rome ! Avez-vous eu vent des
propos scandaleux qu’il a tenus, dimanche dernier, à San Juliao ? Il
prétend que les dépenses que vous faites pour la Guinée ont empêché votre père
de partir en croisade après son abdication.
    — Balivernes ! Mon père a, un temps, renoncé au
trône avant de reprendre la couronne car une mystérieuse mélancolie ronge son
cerveau. Il l’a héritée de sa grand-mère, la reine Felippa de Lancastre. C’est
cette même sombre humeur qui a conduit son grand-oncle, le prince Enrique, à
s’enfermer dans son repaire de Sagres et à guetter avec anxiété le retour de
ses navires. Sans jamais songer à les accompagner dans leurs expéditions. Si je
n’avais pas été là pour donner une impulsion à ces voyages, où en
serions-nous ?
    — Nul ne méconnaît le rôle de Votre Altesse royale.
Grâce à vous, le Portugal acquiert chaque année de nouvelles terres et des
richesses inouïes. Puis-je toutefois lui faire respectueusement remarquer
qu’Elle néglige l’administration de certains de ses biens ?
    Le prince héritier fit la moue. Le médecin lui apprit les
mauvaises nouvelles reçues de Funchal. L’archipel était composé de plusieurs
îles dont seules deux

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