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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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le
comte de Medina Celi, Luis de La Cerda. C’est un homme intelligent et avisé,
dont le crédit à la cour n’est pas mince. On murmure même qu’il sera sous peu
fait duc. Il est infiniment plus riche que nous et il ne sait à quoi employer
ses ducats. C’est à lui que vous devriez faire appel. En vous abstenant
soigneusement de lui dire que l’idée vient de moi. Nous sommes en procès pour
des droits de seigneurie sur le port de Moguer et nos juristes ont pris grand
soin de nous dresser l’un contre l’autre, de telle manière que nous sommes
désormais comme Abel et Caïn. Mais j’ai une profonde estime pour lui et
j’incline à croire qu’il pourrait vous aider.
    Antonio de Marchena ne parut pas autrement surpris de cette
suggestion. Il confia à Cristobal :
    — Ces grands seigneurs sont décidément incorrigibles.
Ils font mine de se livrer des guerres inexpiables mais sont, pardonnez-moi de
le dire, comme cul et chemise, toujours prêts à faire passer leurs propres
intérêts avant ceux de la Couronne ou de l’Église. Voici comment sont ces
hommes tellement fiers de la pureté de leur sang et du prestige de leur
lignage. Ils rejettent impitoyablement tous ceux qui ont le malheur de ne pas avoir
de parents nobles, quelles que soient leurs qualités morales. Cela dit, Luis de
La Cerda possède de nombreux navires et pourrait vous être d’un grand secours.
Le confesseur de sa femme est l’un de nos frères et je me fais fort de lui
soumettre votre projet en personne. Laissez-moi agir, je vous informerai du
succès de mes démarches.
     
    À son retour à Cordoue, Cristobal s’installa à nouveau dans
l’auberge de Rodrigo Enriquez de Harana. Il eut la surprise de constater que,
désormais, la cousine de son ami, Beatriz, y régnait en maître, partageant son
temps entre la salle et les cuisines. Fine, la taille bien prise, les cheveux
légèrement bouclés, les yeux brillants d’intelligence, elle avait tout pour
plaire et il se demandait pourquoi, à trente ans, elle n’avait toujours point
trouvé de mari. Elle le taquinait gentiment et l’avait pris en amitié, lui
reprochant de négliger sa tenue et de s’épuiser dans ce qu’elle appelait ses
« rêveries ». À plusieurs reprises, elle le tança parce qu’il avait
oublié de tenir la promesse qu’il avait faite à Diego, son fils, de lui
consacrer une ou deux heures de ses journées.
    Un soir, elle le prit à part pour lui infliger une véritable
remontrance. Quel genre de père était-il ? Il se souciait à peine de son
enfant et ne lui permettait pas d’assister aux leçons qu’il donnait à l’autre
Diego, le fils de Rodrigo Enriquez de Harana. Ce dernier estimait, lui
confia-t-elle, que son propre rejeton progresserait plus vite s’il était mis en
compétition avec un gamin de son âge. Elle insista tant et si bien qu’il finit
par céder. Elle fit mine de n’en rien remarquer mais lui prouva, par diverses
attentions, qu’elle lui savait gré d’avoir suivi ses conseils. Il trouva ainsi
son linge lavé et soigneusement recousu. Lorsqu’il lui arrivait de veiller tard
le soir, dans sa chambre, elle lui faisait monter des fruits et un pichet de
vin. Une servante venait vérifier que le feu était bien allumé et qu’il y avait
suffisamment de bûches pour l’entretenir jusqu’au petit matin.
    Un soir, alors qu’il annotait une nouvelle fois l ’Imago
Mundi, il entendit un vacarme. Des hommes d’armes étaient entrés dans
l’auberge, avaient commandé vin et victuailles qu’ils refusaient de payer, au
motif qu’ils revenaient du siège de Malaga et que tout bon Chrétien se devait
de leur offrir le gîte et le couvert pour les récompenser de se battre contre
les Maures. Bientôt, ils se firent plus menaçants, jurant de tout briser si on
ne leur donnait pas satisfaction.
    Excédé, Cristobal était descendu dans la grande salle. Quand
il vit l’un des ivrognes retenir par sa jupe Beatriz, il laissa éclater sa
colère. D’un coup de poing, il jeta à terre le malotru, s’empara de son épée et
la mit sous la gorge de l’un de ses complices :
    — Jette sur cette table quelques maravédis et disparais,
toi et les tiens, avant que je ne t’expédie chez saint Pierre. Ne reparaissez
plus jamais ici, faute de quoi il risque de vous en cuire. Sache que je t’ai
reconnu et que j’ai forte envie de signaler à l’inquisition que tu te trouves
ici.
    L’homme décampa, suivi de ses compagnons qui

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