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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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faisait
l’important au motif qu’il allait être reçu à la cour. Abraham d’Avila s’en
voulait d’avoir cédé à l’insistance de son cousin. Jacob de Torres lui avait
présenté ce Génois bouffi d’orgueil avec lequel il paraissait être dans les
meilleurs termes. C’était bien là l’un des tours pendables dont Jacob était
coutumier. Il était si fier de fréquenter certains Chrétiens, appartenant à la
meilleure société, qu’il ne manquait jamais de leur proposer les services de
ses parents, plongeant ceux-ci dans le plus cruel des embarras. Il ne
souhaitait pas en effet porter préjudice à Jacob mais constatait que ses
prétendus amis en profitaient pour exiger des rabais inconsidérés ou des délais
d’exécution impossibles à tenir. Cette fois-ci, il avait dépassé la mesure en
amenant ce nommé Cristobal qui écorchait le castillan et qui s’était presque
installé chez lui pour surveiller son travail.
    Quand Jacob l’avait littéralement supplié de pardonner à son
ami ses exigences et d’accepter de le recevoir à nouveau, il avait refusé tout
net. Que ce gentilhomme aille au diable ou fasse appel à l’un des siens. Un
client comme lui était digne d’être compté au nombre des plaies d’Égypte. S’il
avait une femme, elle n’aurait qu’à tirer l’aiguille et à endurer sa mauvaise
humeur. Lui, Abraham d’Avila, avait eu plus que sa part d’ennuis et tout cela
pour quelques mauvais maravédis.
    Beatriz s’était donc mise à la couture, en riant sous cape
du comportement de son compagnon. Elle avait vite compris qu’il fallait faire
mine de lui céder puis de s’arranger, peu de temps après, pour que l’une des
amies, mise dans la confidence, raconte devant lui que tel courtisan avait
définitivement perdu tout crédit à la cour en se rendant coupable d’un ridicule
achevé. Comme par hasard, il s’agissait de ce que Cristobal avait exigé et il
ne tardait pas à supplier Beatriz de réparer ce qu’il avait eu l’imprudence de
lui demander. Elle feignait de pousser un profond soupir et de gémir qu’il lui
donnait un surcroît de travail. Il se faisait alors tout doux et tout penaud.
Elle le chassait de leur maison, lui intimant l’ordre de retrouver à la taverne
ses interlocuteurs habituels et de ne revenir que tard le soir. Elle aurait, du
moins l’espérait-elle, achevé ses retouches. Il était si candidement naïf qu’il
ne s’était douté de rien et qu’il avait vite cessé de pester contre ce maudit
tailleur juif qui l’avait chassé de sa boutique. Il était cent fois moins
habile que Beatriz, qu’il couvrait de baisers dès qu’ils se retrouvaient en
tête à tête.
    C’était le seul moment où il acceptait de reconnaître qu’il
était effectivement invivable et qu’elle avait bien du mérite à le supporter.
Elle riait aux éclats, affirmant que Violante Molyarte l’avait jadis mise en
garde contre lui. Son beau-frère, lui avait-elle expliqué, était le meilleur
des hommes mais exigeait trop de ceux et celles qu’il aimait. Il les épuisait
littéralement, leur ôtant tout désir de vivre. Violante lui avait conseillé de
ne jamais se laisser emprisonner par un tel geôlier. Elle lui avait rétorqué
que telle était bien son intention. Elle était trop indépendante pour devenir
une épouse soumise. Son père et sa mère avaient vécu heureux sans être passés
devant un prêtre et elle comptait les imiter. Et ce d’autant plus, avait-elle
murmuré en prenant soin de vérifier que nulle oreille indiscrète ne les
écoutait, qu’elle n’avait jamais été baptisée. Son père, comme tous les
Torquemada, du plus humble au plus grand – elle faisait allusion au Grand
Inquisiteur –, appartenait à une lignée de conversos, de Nouveaux
Chrétiens, convertis de force en 1391 lors des grandes émeutes contre les
Juderias de Castille et d’Aragon. Certains s’étaient satisfaits de leur
nouvelle condition. D’autres, moins nombreux, et c’était le cas de son père,
avaient fait le choix de se tenir à l’écart aussi bien des églises que des
synagogues, au prix d’incessants changements de domicile. C’est ainsi que,
jusqu’à leur mort, ses parents avaient erré d’un village à l’autre, déménageant
chaque fois que Pâques approchait. Son cousin, quand il l’avait recueillie,
n’avait pas paru outre mesure scandalisé de sa totale ignorance des préceptes
du christianisme. Il lui avait juré de ne jamais

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