Chronique de mon erreur judiciaire
biscuits et de diverses boissons sans alcool.
Journées les plus pénibles ? Les samedis et dimanches parce qu’il n’y a pas atelier et que nous restons enfermés à dix dans notre cellule glaciale en fumant comme des malades pour apaiser notre ennui mortel. Depuis trois semaines que je suis enfermé, j’ai toutefois pris l’habitude d’aller, le week-end, soit à la réflexion biblique du samedi, soit à la messe du dimanche. Quant à mes seules joies véritables, elles résident dans les rares parloirs de mes sœurs, et la correspondance que j’entretiens au quotidien avec les miens, outrés par ce qui m’arrive. Le reste du temps, je m’abreuve d’ennui et dépéris.
Personne ne fait de nuit complète, alors que six d’entre nous absorbent des somnifères. Le Stilnox® est-il encore efficace, à force ? En tout cas, je me résigne à la déveine quand je réalise que mon lit se situe au cœur du courant d’air provoqué par les deux fenêtres et l’espace aérateur, sous la porte.
En plus du froid, le bruit me vrille le moral. Je ne fais pas simplement allusion aux « ronfleurs » ni à la télévision qui fonctionne jusqu’à 4 heures du matin, mais aussi aux sons provenant des autres cellules. Leur vacarme est parfois tellement intense qu’il nous réveille en pleine nuit et nous oblige à tendre l’oreille afin d’en deviner causes et provenance. Régulièrement, nous entendons taper sur les portes, vociférer par les fenêtres, hurler les radios, bouger les meubles, crier des prisonniers frappés… Sans parler du glougloutis insistant et obsédant de l’évacuation des eaux usées provenant de l’étage supérieur.
Froid, fumée et bruit sont donc notre lot quotidien, auquel s’ajoute le manque d’espace vital. La minuscule largeur des lits ne nous permet pas de bouger correctement. Il est impossible, notamment, de plier les jambes sans que les draps et les couvertures ne sortent de sous le matelas. Quant aux barres situées de chaque côté du lit, elles présentent comme seul agrément celui de nous cogner la tête au moindre mouvement mal calculé. Pour briser l’élan du coulis d’air, nous en sommes réduits à calfeutrer les extrémités des lits avec des sacs poubelles fort peu « esthétiques ». Autre inconvénient notable, les couches étant constituées de trois étages superposés sans échelle, on doit marcher sur les barres des couchettes inférieures pour accéder aux couchages et réveiller immanquablement ceux qui dorment en dessous.
Moi, le campagnard, en regardant chaque jour cet univers glauque dont les mâchoires m’enserrent, je pense aux vaches qui dorment calmement dans des stabulations artificielles, sans bruit, bien au chaud d’un box correctement dimensionné et garni de paille. En cette cellule, pas de doute : pour la société, nous ne valons pas même un bovin.
*
Nos vachers sont-ils mieux lotis ? Pas forcément. Dans l’ensemble, les surveillants se montrent corrects, même si on nous dénie la simple politesse de nous faire appeler monsieur. Ici, nom de famille et tutoiement de rigueur servent à montrer qui sont les maîtres. Et, en échange, nous devons leur donner du « surveillant », ou « chef » s’ils ont des galons. Ces matons, ou bricards pour utiliser le jargon carcéral que j’ai la tristesse de découvrir, possèdent tous une personnalité et un caractère spécifiques. Certains sont plus sympathiques que d’autres, mais aucun ne semble porter de jugement sur nous. Comme dans toutes les professions il y a des imbéciles, mais, ici, ces derniers relèvent de l’exception. « Pépito », « Amiens », « pitbull », « géant vert », selon les surnoms dont les affublent les détenus, engagent parfois la conversation. Si, connaissant le motif de mon incarcération, ils restent discrets, ils n’hésitent pas néanmoins à prendre des nouvelles de mes auditions. Une sollicitude bienfaisante dans ce monde hostile. L’un d’entre eux s’est même avéré particulièrement sympathique quelques jours plus tôt. Au cours d’une douche, il n’a pas hésité à laisser ouvertes la porte de la cellule et celle des douches pour nous permettre quelques minutes de libre circulation afin de nous laver à notre aise. Après une demi-heure, il est venu vérifier que nous avions bien terminé et a refermé la porte en toute confiance. Un peu d’humanité qui m’a fait du bien.
Dans le personnel de santé aussi, il y a
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