Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
Vom Netzwerk:
des comportements variés. Constituée d’un médecin généraliste, d’un médecin psychiatre, d’un psychologue, d’un dentiste, d’une infirmière et d’une secrétaire, l’équipe médicale se montre globalement à l’écoute. Si l’on se plaint, dans la journée, d’un mal quelconque, un surveillant vient nous chercher pour nous accompagner jusqu’à la porte blindée de l’infirmerie. Là, le détenu est placé dans une cage d’attente de quelques mètres carrés, propre, où tout le monde s’entasse au gré des arrivées. La qualité des soins ? Variable. À côté du médecin généraliste qui expédie les visites, l’infirmière sait se montrer gentille tandis que le psychiatre est apprécié par chacun pour ses compétences.
    Les couloirs de la maison d’arrêt sont fréquentés par une troisième catégorie d’intervenants extérieurs : ceux de l’Éducation nationale. Qui font ce qu’ils peuvent dans ce microcosme où le parcours scolaire de la plupart des prisonniers n’est pas allé bien loin. À tel point que lorsqu’ils découvrent un détenu possédant son bac, ils n’en reviennent pas. Ainsi, au début de mon incarcération, l’enseignant de la prison me convoqua, comme tout nouvel arrivant, pour vérifier mon alphabétisation et me présenta un texte à déchiffrer. Quand il s’enquit de mon niveau d’instruction, il m’en dispensa sans sourciller, étant essentiellement là pour apprendre à lire aux détenus. Il m’a toutefois proposé un programme informatique en langues, offre que j’ai refusée, croyant faire à Beauvais un séjour de courte durée. Et puis, après un mois de détention, j’ai changé d’avis et décidé d’améliorer mon anglais. Régulièrement alors, j’ai pris le chemin de la salle de classe, composée de tables, de quatre écrans informatiques et munie de deux méthodes d’anglais. Paradoxalement, dans cette prison où l’inculture est aussi répandue que la violence verbale, nous sommes seulement trois ou quatre à suivre les cours. Dont un détenu désireux d’apprendre à lire, d’un niveau scolaire de fin de cours préparatoire. L’illettrisme est un tel fait courant que dans ma cellule, sur dix, deux ne savent ni lire ni écrire. Ce qui me vaut parfois, d’ailleurs, d’être sollicité par eux pour rédiger des documents officiels. Par la force des choses, je deviens écrivain public !
    Une tâche que j’accepte puisque tout est bon, en détention, pour passer le temps.

Chapitre 5

L’espoir d’une audition
ou
La marche à sens unique de l’instruction
    En ce mercredi, je dois subir un interrogatoire chez le juge d’instruction. Va-t-il enfin reconnaître ses torts ? Reconnaître qu’il s’est fourvoyé ? Me rendre justice ?
    Dès l’aube, je m’agite dans mon lit, ne tenant plus en place. Une foule de mots, de répliques, d’idées, de souvenirs se bouscule dans mon esprit. Anxieux à l’extrême, la seule pensée qui me calme reste de songer aux miens. Et notamment à la Saint-Nicolas que nous avons coutume de fêter tous les ans à la maison avec son lot de cadeaux pour les enfants, de couque au petit déjeuner et, pour les adultes, de victuailles savoureusement arrosées.
    Je ne dors pas, et je ne suis pas le seul. À 5 h 30, une radio tonitrue depuis la cellule voisine, réveillant certains d’entre nous. J’entends un surveillant rétablir l’ordre. De nouveau s’étale le silence relatif de cette maison d’arrêt où ma vie s’enlise.
    À 7 heures, un gardien passe dans notre geôle et m’informe que, dans un quart d’heure, je dois partir pour Boulogne-sur-Mer. Je me lève, m’habille en vitesse et file à la fouille. La demi-heure suivante, je vais au greffe où m’attendent deux gendarmes. Là, on me tend un sandwich auquel je ne touche pas. Les gendarmes me passent les menottes.
    Je suis ensuite transféré dans un fourgon cellulaire, autrement dit une camionnette antique composée de minicellules. En fait de compartiment, il s’agit plutôt d’une cage avec, à l’intérieur, un endroit pour s’asseoir. Et seulement s’asseoir, puisqu’il est impossible de se relever ou, simplement, de se retourner. Le véhicule démarre et me voici brinquebalé dans ce fourgon infernal, d’un autre âge, comme un animal de cirque. Secoué dans tous les sens, je ne peux même pas poser la tête contre la paroi tellement elle vibre.
    Arrivés à Boulogne-sur-Mer, les gendarmes se trompent de

Weitere Kostenlose Bücher