Chronique de mon erreur judiciaire
découvrant le moribond au visage creusé entré dans leur univers ? J’ai déjà du courrier, notamment une lettre d’Alzira, l’aumônier protestante de la maison d’arrêt d’Amiens. Petit à petit, je me mets à reprendre de l’espoir : dans cette maison, j’obtiendrai sans doute la guérison ferme et définitive de mes jambes. Sandrine et Guillaume ayant condamné leur bureau pour en faire ma chambre, je dispose d’un grand lit, d’une table, d’une chaise ainsi que d’une étagère en bois pour installer mes habits. Qu’il est bon de se savoir entouré et aimé.
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Restant toujours très faible, je dois consulter régulièrement un médecin généraliste. Manquant encore de protéines et de certaines vitamines, je suis néanmoins écœuré par la viande ou le poisson, lesquels se sont transformés pour moi en cadavres immangeables au même titre que les œufs, les graisses du lait.
Encore une conséquence du traumatisme de l’incarcération ? Sans doute.
Deux mois après ma libération de l’hôpital-prison de Fresnes, je parviens enfin à utiliser une seule canne pour me déplacer. Quelques jours après, autre exploit : j’accompagne Sandrine à Besançon dans un grand magasin de jouets et un autre de bricolage. Une « promenade » qui arrive néanmoins plus de trois semaines après mon arrivée en Haute-Saône ! À Noël, ma marche sera enfin normalisée.
D’ici là, elle m’astreint à des contraintes. Ainsi, étant sous contrôle judiciaire, je dois pointer deux fois par semaine chez les gendarmes du bourg. Hélas, leur brigade se trouve à environ cinq cents mètres de mon nouveau domicile, distance qui, au début, me semble énorme puisque je ne sais pas me déplacer jusqu’à elle, tant à cause de la faiblesse de mes jambes que du dénivelé important du chemin. Aussi Guillaume leur signale-t-il mon arrivée et leur fournit-il des certificats médicaux d’hospitalisation attestant de ces difficultés. Dès lors, tant que je suis trop faible, ce sont les gendarmes qui viennent au domicile de mes neveux, situation qui ne tarde pas à devenir embarrassante pour Sandrine et Guillaume. Comment expliquer en effet aux voisins les visites domiciliaires régulières de la maréchaussée ?
Ne cessant de songer à cette gêne suscitée par ma présence, je désire ma guérison ardemment. Les choses se passent finalement très correctement.
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Sandrine et Guillaume étant adorables, attentionnés et compréhensifs avec moi, je m’efforce d’être le plus discret possible et de leur rendre service au mieux, par exemple en pliant leur linge ou en faisant, lorsque j’aurai un véhicule, les courses de la semaine. Il me semble aussi avoir été adopté par les enfants, auxquels je peux donner l’affection qu’actuellement je ne peux fournir aux miens. Nous jouons beaucoup ensemble, notamment quand leur papa et leur maman ne sont pas présents. “Quand ils sont là, j’essaie de ne pas outrepasser mon rôle. Je leur raconte des histoires, nous chantons de concert, bref je sers de baby-sitter, ce qui permet à mes hôtes d’aller un peu au restaurant, au cinéma ou chez leurs amis.
Pour penser à autre chose qu’à mon cas et mon affaire, je me remets également à faire du cheval. En douceur cependant, mon dos ne pouvant supporter trop d’efforts et mes revenus – dix euros par jour des Assedic – ne le permettant guère. Hélas, sans le savoir, je joue avec le feu, étant trop vieux et fragile pour continuer cette activité. Résultat, en mars, je fais une mauvaise chute qui me conduit directement aux urgences. De là, les radios laissant supposer une vertèbre fissurée, on m’expédie en ambulance et matelas coquille au CHU de Besançon pour passer un scanner. Heureusement, il n’y a rien de dramatique. Néanmoins, j’ai droit à une IRM par la suite, la douleur devenant trop insupportable. En fait, seul le temps pourra me guérir.
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Par l’intermédiaire de Thérèse, j’offre à Thomas un téléphone portable pour la Saint-Nicolas. Depuis que j’ai l’autorisation d’être en contact avec lui, je l’appelle tous les jours. Hélas, cela paraît trop aux yeux de certains, à savoir des responsables du foyer dans lequel il est. Néanmoins, sachant pertinemment qu’il me vaut mieux ne rien dire ni faire compte tenu de ma situation, je me conforme à la requête des éducateurs. Dès lors, je laisse à mon grand le soin de me contacter, d’abord une fois par
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