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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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la regarder avec mépris, puis la saluer.
    Mais, on s’en doute, ces petits boulots ne me suffisent pas. Ils ne peuvent me faire vivre. Or mon séjour à Gy va bientôt prendre fin. Et le printemps approche avec la date du 4 mai comme horizon : celle de l’ouverture du procès d’Outreau. Où je vais comparaître, ainsi qu’Odile, et me battre pied à pied pour prouver mon innocence.
    *
    Je dis « mon », et certains sont peut-être surpris que je n’écrive pas « notre ». Il va sans dire que, sur ce point, mon épouse et moi ne sommes coupables de rien. En fait, ce bémol traduit seulement l’état de dégradation de nos relations. Outreau n’a pas seulement anéanti ma vie et ma renommée, il a fait voler en éclats mon couple.
    Certes, pour ne pas résister à un tel maelström, sans doute y avait-il des fêlures dans la coquille de notre cocon, mais qui résisterait à une telle tourmente ? Qui n’aurait pas envie de tourner la page du passé pour regarder plus sereinement vers demain ? Or, même si j’en ai souffert, et le regrette encore, je crois que c’est ce qu’Odile, loin de moi, choisit alors de faire. Emportée par le même raz-de-marée, ne pouvant me venir en aide de là où elle était, c’est-à-dire sa famille, elle se mit à regarder ailleurs. Dans le drame d’Outreau, il y a ceux que leur conjoint(e) a soutenu et d’autres, comme moi, que les événements ont séparés.
    Les événements et sans doute certains proches aussi. En se rapprochant d’autres personnes, Odile s’est en fait éloignée de moi. Dès sa libération, elle a pris du champ sans me confier pour autant ses tourments et son désir d’avoir une autre existence.
    *
    Début avril 2004 : le procès arrive dans moins d’un mois. Maître Delarue m’adresse un courrier me convoquant en son cabinet pour que je puisse justifier de mon absence auprès de la gendarmerie. Le compte à rebours est déclenché et une nouvelle appréhension m’étreint. Ayant, en fait, voulu reculer cette échéance, pratiquant à merveille la politique de l’autruche, je me retrouve face à une réalité qu’il m’est temps d’embrasser à bras-le-corps. Déjà, fin mars, un clerc d’huissier de justice était passé me signifier les listes des jurés, des témoins et des experts, m’infligeant un sacré coup au moral, me renvoyant au visage que si mon quotidien avait changé depuis la prison, j’étais toujours sous le coup de l’infamie. Mais aussi à la merci de cette justice qui a déjà bafoué, durant l’instruction, tant de ses principes, que malgré ma foi en la vérité, en mon avocat, la peur de ne pas parvenir à faire éclater au grand jour l’erreur judiciaire agite mes pensées.
    Un autre moment me ramène dans le procès à venir : un rendez-vous dans le Nord avec un chroniqueur du Point. Après une interview de deux heures et demie, le journaliste, abasourdi par la maigreur des pièces ayant conduit à mon arrestation, est reparti persuadé qu’il y avait eu là une profonde atteinte aux libertés fondamentales. Sous l’effet de l’énormité de l’affaire, il ne put d’ailleurs s’empêcher de rire, s’excusant ensuite de cette hilarité. Interrogé, maître Delarue lui confirma que tout le monde savait que ce dossier était vide, ne reposait sur rien, et que si je n’avais pas effectué une grève de la faim mettant en jeu le pronostic vital, je serais toujours incarcéré.
    *
    Durant les derniers jours d’avril, dernière ligne droite pour moi, je passe des journées entières avec la collaboratrice de maître Delarue à m’imprégner de tous les détails du dossier. Elle me fait plancher sur les incohérences et les contradictions des « accusateurs », l’instruction bâclée uniquement à charge. En écoutant les procès-verbaux je reçois un choc : les propos de Sébastien me terrassent. Comment cet enfant que je chéris a-t-il pu employer de telles paroles ? Et interpréter des gestes de tendresse en ce sens ? A-t-on orienté, suggéré ses réponses ? S’agit-il de ses vrais mots ou de propos « remoulinés » dans le jargon policier et adulte ? Je le crois. Mais s’il dit cela, est-ce parce qu’il était jaloux de ma proximité avec Thomas ? Autre coup au cœur, j’apprends qu’il a fréquenté les enfants Delay à l’école, et que, selon le dossier, il aurait été agressé par eux sans que jamais Odile ou moi ne soyons avertis par l’établissement (11) . Dès

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