Chronique de mon erreur judiciaire
étapes à franchir avant d’obtenir l’aval du médecin psychiatre. Si je veux quitter ces lieux, j’ai encore des progrès à faire pour ne pas arriver chez mes neveux en état de dépendance. Puisqu’ils ont eu la gentillesse de me recevoir, je dois être digne de leur accueil. Je tiens à soigner particulièrement ma mobilité et mon équilibre, me jurant d’y arriver au plus tôt. Du reste, le 11 novembre 2003, je réussis à uriner debout, sans vaciller ni me salir. Quelle victoire bien datée !
*
Parvenu à ce tournant majeur de cet ouvrage comme de ma vie, je vous demanderai de lire avec attention les incohérences administratives et judiciaires qui vont suivre. Moi, censé être un « pédophile » dangereux selon un juge d’instruction, sous le coup d’un procès en assises, je suis libre mais en ayant le droit d’être accueilli par un foyer où vivent trois enfants en bas âge. Alors même qu’on avait refusé durant des mois ma liberté provisoire pour ne pas être en contact avec mes enfants, on m’a en effet autorisé à aller chez ma nièce Sandrine, pharmacienne de son état, mariée à Guillaume, un vétérinaire, dont les emplois du temps me rendront gardien, pour ne pas dire nounou, de Lucas et Marianne, jumeaux de deux ans, et d’Alice, cinq ans. L’énormité de la situation saute aux yeux. Comme le côté ubuesque des décisions prises dans mon dossier. Vingt-deux demandes de libération sous contrôle judiciaire m’avaient été refusées au motif que je pourrais troubler l’ordre public, et là on m’accordait enfin la présomption d’innocence. Où est la logique de cette histoire ?
Chapitre 26
Le séjour du « pédophile » en Haute-Saône
ou
Se préparer avant l ’ épreuve
Pourquoi un titre aussi provocateur ? Parce qu’il met en évidence l’incohérence des jugements qui m’accablent, moi, présumé coupable désormais autorisé à passer ma convalescence dans une famille où vivent trois enfants en bas âge. Si je renouvelle mes remerciements à mes neveux Sandrine et Guillaume, parce qu’ils m’ont fait confiance face à leurs petits, tous les parents lecteurs resteront interdits en découvrant ce point. Car soyons logique : ou je suis innocent, ce que je clame depuis toujours, mais alors pourquoi m’avoir refusé d’aller chez mon père dans le Nord ? Ou je suis coupable et ma place se trouve en prison, en tout cas certainement pas dans un environnement peuplé d’enfants. La machine judiciaire avait jusqu’alors refusé ma libération sous le prétexte que je pouvais nuire à l’ordre public, et, tout à coup, j’étais libre d’aller et venir à Gy, un petit village de Haute-Saône. Décidément, j’ai du mal à comprendre la logique judiciaire. Mais revenons en arrière.
*
Nous sommes le vendredi 14 novembre 2003. Soit deux ans, jour pour jour, après avoir été arrêté, séparé de ma femme et de mes enfants. Deux ans après cette date horrible que je garde en moi comme le pire jour de ma vie. Or, en cette date anniversaire, je dois quitter l’hôpital pour vraiment reprendre contact avec l’extérieur. Les voies du destin ne sont-elles pas étranges ?
Ma sœur, son mari et ma filleule arrivent dans le service vers 14 heures, et s’occupent de tout. Ils rangent mes affaires, font mon sac, vérifient que je n’ai rien oublié puis préparent ma sortie administrative. Une chance : je n’aurai rien à payer, même pas le forfait hospitalier dans la mesure où, vu mon cas, je vais bénéficier de la CMU complémentaire. Une info qui apaise deux secondes la tempête qui souffle en moi : j’ai peur. Une trouille bleue de l’air libre. Poussé dans une chaise roulante, je ferme les yeux. Tout tourne dans ma tête. Quand j’arrive dans leur voiture, je monte à l’arrière sans dire un mot, incapable aussi de parler à mon père au téléphone.
À 19 heures, nous arrivons chez mes neveux. Mes douleurs dorsales m’insupportent mais je suis content d’être arrivé là. Il fait noir. Avec l’aide de Dominique, j’entre dans la maison. Après avoir salué mes hôtes, j’embrasse leur fille aînée, Alice, puis aperçois les jumeaux. Lucas, c’est tout son père, Marianne sa mère. Ce spectacle d’une famille unie, d’un foyer heureux, me procure un grand secours. Éreinté par le voyage, je m’assieds pesamment dans un fauteuil et regarde ma sœur Thérèse amuser ses petits-enfants. Sont-ils choqués en
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