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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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tournèrent la tête et lui firent signe de passer son
chemin. Ils n’avaient pas envie d’interrompre leur somnolence.
    Au col du
Fau, dans la descente, Colas arrêta les chevaux et vint frapper à la vitre du
carrosse.
    — Madame,
dit-il, le paysage est très beau. Vous devriez descendre marcher un peu pour
soulager les chevaux.
    Ainsi,
ils marchèrent devant les percherons et elle lui prit la main. Les senteurs de
la montagne les exaltaient. Ils se regardèrent avec bienveillance et firent
l’amour sous les épicéas. Un écureuil même vint observer curieusement leurs ébats.
C’était la paix et l’innocence. La grande simplicité des prés constellés de
vaches, le bruit forestier des arbres abattus au loin et les monts de l’Oisans
où les glaciers coruscaient, tout célébrait leur félicité. C’était le silence
aux eaux courantes que ponctuaient timidement quelques appels d’oiseaux. Une
fontaine dans un tournant invitait la pensée à germer dans les têtes. Ils se
demandèrent ensemble ce qu’était la Révolution et en quoi elle les concernait.
Ils étaient au comble du bonheur.
    On libéra
les chevaux pour les faire boire. La dernière montée vers le col était un
chemin à peine élargi récemment pour les convois militaires. C’était une
mauvaise route qui penchait dangereusement vers le ravin. Colas ne fit remonter
Sensitive à sa place que lorsque, le col franchi, les étendues des pentes
devinrent plus clémentes.
    Il était
six heures du soir en août. Les brumes naissaient au fond des vallons, se
rejoignaient au fond des vallées.
    — Gaussan
est au bout du chemin, se dit Sensitive.
    Colas
humait ces montagnes qu’il n’avait jamais contemplées. Il perdait de vue sa
terre picarde, humble, sans beautés ostensibles. Il regrettait de ne pas être
né ici. Il lui semblait que sa nature aurait pu être meilleure en ces lieux si
divers.
    La
descente allègre et sans à-coups s’embrunissait. Il devenait de plus en plus
urgent de trouver un abri pour la nuit et un gîte pour les bêtes.
    Au milieu
d’une pente plus prononcée, après une pancarte délabrée qui annonçait
« Auberge », ils virent au bord de la route une grande maison au mur
orbe et à toit dauphinois, seulement adornée d’une porte cochère et d’une
entrée spacieuse d’écurie sur le côté. Bien visible, en grosses lettres noires,
une inscription courait à mi-hauteur de la façade, l’occupant de bout en bout : Ici, on loge à pied et à cheval.
    L’accès à
l’écurie était libre. Les chevaux s’y engagèrent sans presque en recevoir
l’ordre. L’ombre s’étendait déjà sitôt qu’on n’était plus en plein air. Le
charroi de l’équipage attira l’attention. Une soupente s’ouvrit au fond de
l’étable. Une grande silhouette maigre en fanchon de femme de chambre surgit du
fond de l’ombre, une lanterne à la main. Elle la tint haut levée pour dévisager
les voyageurs. Sans les saluer, elle dit :
    — Vous
voulez loger chez moi ? Ici, il faut montrer patte blanche ! Vous
avez une billette ?
    Sans un
mot Colas tira de sa manche le certificat du sergent. Pendant qu’elle
l’examinait, Colas observait l’hôtesse. Il n’y avait pas de chair rose visible
à ses lèvres tant elles étaient effilées et serrées sur leur extrême réserve.
    « J’aurais
dû aussi gratter les traces d’or sur les portières », se dit Colas.
    Il en
restait quelques vestiges contre les rinceaux ouvragés.
    — On
ne voit pas souvent de carrosse sur nos routes, dit la femme soupçonneuse. Ni
de chevaux lustrés à mort. Je m’appelle Thérèse, dit-elle tout à trac.
    Elle leur
fit signe de la suivre par le réduit d’où elle avait surgi. C’était un étroit
corridor à plusieurs angles droits conçu comme un labyrinthe pour ne plus voir,
au bout de trois pieds, celui qui vous précédait. Exprès Colas retarda sa
marche.
    — C’est
une auberge à trappe ! chuchota-t-il à Sensitive. J’en ai vu peut-être
cinquante de ces fours à crime, au long de mes voyages de palefrenier ! Je
les reconnais tout de suite !
    Au
premier tournant du corridor ambigu, l’hôtesse s’était arrêtée pour écouter.
    Colas la
bouscula involontairement. Il sentit contre lui une chair dure qui lui fit mal
en la percutant.
    Ils
débouchèrent dans une vaste salle voûtée et humide où un feu à l’économe
agonisait lentement au fond d’un âtre. Un goitreux mélancolique se chauffait à
ce semblant

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