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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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volontiers nos têtes qu’ils ne forçassent nos
quant-à-soi. La nature humaine étant ce qu’elle est, la chose a dû néanmoins se
produire à quelques reprises. Vous pouvez donc, sans état d’âme, vous en
prévaloir.
    Adieu
ma douce, les sanglots font mal aller ma plume. Sans doute serai-je morte
étiolée par le chagrin d’amour avant d’avoir pu goûter le plaisir de nous
retrouver.
    Germaine
     
    Quand
Sensitive reçut cette réponse, les choses à Gaussan et ailleurs avaient
considérablement évolué. D’abord, elle était grosse à pleine ceinture et les
Magnan, Antoine et Désiré, l’avaient adoptée et l’appelaient « madame la
marquise ». Ils mettaient chapeau bas devant elle. Le conseil de Germaine
avait été judicieusement suivi. Devant toute la population de Mane, son état la
faisait plutôt vénérer que plaindre. Sa nourrice, la veuve Magnan, mère des
deux possesseurs du château allait ostensiblement à la messe chaque matin en
dépit des menaces qui pesaient sur le prêtre non constitutionnel, et tout le
monde fermait les yeux même Désiré Magnan, farouche robespierriste mais qui
craignait pour sa mère les foudres de la Convention car elle était
ostensiblement chrétienne par le brin d’olivier placé chaque Rameaux en travers
du crucifix à la tête de son lit.
    Antoine
le cadet était célibataire et Désiré avait déjà deux enfants d’une Chambellan
de Cruis. Ils s’étaient choisis un soir de bal à Fontienne pour leur mutuelle
carrure. Lui avait des muscles de cheval et elle passait à peine la porte à
cause de ses fesses péremptoires lorsqu’elle se présentait de face devant le
battant grand ouvert. Elle avait un adorable caractère. Elle était tout en
fossettes prête à rire et à jouir de tout. Elle respirait la joie de vivre.
C’était un couple qui s’ébattait en toute liesse. Leurs deux garçons étaient
aussi trapus qu’eux avec des muscles courts, des cuisses rebondies devant et
derrière. Ils s’aimaient comme des frères. C’est-à-dire à coups de tannées
mémorables que leur mère achevait en fessées justicières. Elle avait des mains
à la mesure de ses fesses : comme des battoirs.
    Un matin
(elle venait de faire connaître son arbre à l’enfant qu’elle portait),
Sensitive croisa dans la grande allée Désiré la mine austère contrairement à
son habitude. Il poussait devant lui une brouette de fumier aussi haute que
lui, la fourche enfoncée dans le tas, prête à être répandue. Il mit bas son
fardeau et ôta sa casquette. Tout le malheur du monde pesait sur ses épaules.
    — Madame,
dit-il, et son visage était ravagé par la douleur, notre consul vient de nous
apprendre qu’avant-hier dans la soirée, monsieur de Robespierre a été
assassiné.
    — Comment
ça assassiné ? dit Sensitive de derrière son mouchoir.
    Elle se
l’était déployé sur le nez, à cause du fumier fumant qui répandait son odeur
alentour.
    — Oui,
dit Désiré. Assassiné tout de bon ! Avec son frère et tous ses amis !
    Les
nouvelles couraient alors aussi vite que plus tard. Il suffisait d’un seul
individu parcourant un quart de lieue en les répandant et en recommandant de
les répandre auprès des amis et connaissances pour qu’en un jour elles eussent
fait le tour de France.
    Des
vapeurs de joie montèrent aux yeux de Sensitive la faisant larmoyer.
    — Est-il
possible ? dit-elle en un sanglot.
    Par ce
sanglot inattendu, elle s’attira pour toujours la sympathie de Désiré Magnan
lequel jusqu’alors était très réservé à son sujet. Il était courbé par la
douleur réelle que lui causait le mort de son héros.
    Elle
poursuivit son chemin jusqu’à la pièce d’eau qu’Antoine était en train de
curer. Il était en bas au fond du bassin occupé à faucarder les roseaux qui
l’encombraient.
    Depuis le
retour de Sensitive, le château avait repris vie grâce à Antoine et aux écus
qu’elle avait rapportés. L’écurie du rez-de-chaussée avait été rendue à son
usage premier qui était de servir de hall pour distribuer les pièces. Les
carreaux noirs et blancs en losange avaient été à peu près nettoyés, sauf
devant le séjour des chevaux sous les râteliers où il avait été impossible
d’effacer l’urine qui avait imprégné le sol. Mais il n’y avait plus de foin le
long de l’escalier et les vitres de toutes les fenêtres avaient été remplacées
par les soins d’Antoine qui y passait tout son

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