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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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aide
pour m’aider à transporter un baril. Ils font trente kilos !
    — Que
voulez-vous faire d’un baril de poudre ?
    — Faire
sauter l’arbre ! Le rhabdomancien est formel. C’est à son pied qu’est le
trésor.
    Ils
gravissaient, l’un à cheval, l’autre suivant à pied comme il pouvait, la côte
de Mane qui conduit au chef-lieu. La ville était morose et déserte. La rare
neige l’ensevelissait peu à peu.
    À la
poudrière, un seul garde en faction, assis sous la neige qui le saupoudrait,
somnolait, assis, le fusil entre les cuisses, sur une chaise dépaillée. Le
hussard le secoua. L’homme à l’aspect de cet inconnu en uniforme se leva
brusquement en présentant arme.
    Gaussan
lui mit sous le nez le papier revêtu de la célèbre signature.
    — Ordre
de l’Empereur ! cria Gaussan. Je prends possession de la poudrière !
Ouvre-moi la porte. J’ai besoin tout de suite d’un baril de poudre.
    — L’Empereur ?
dit le garde. Mais il est à l’île d’Elbe !
    — Non,
il est à Malijai. Il vole de clocher en clocher jusqu’à Paris !
    — Oh
alors, s’il vole ! dit le garde nonchalamment.
    Il alla
ouvrir la serrure de la porte à barreaux. Gaussan et Antoine pénétrèrent dans
l’antre où, sur le sol en terre battue, des barils de chêne presque neuf
brillaient dans la pénombre. Ils étaient tous numérotés avec de grandes
inscriptions noires.
    À
grand-peine – c’est malaisé de remuer un baril oblong de trente kilos de
poudre à canon – les deux hommes réussirent à arrimer sur la bête ce
chargement.
    Antoine
vit très bien que le hussard titubait de fatigue. Depuis qu’il avait quitté la
petite troupe de Napoléon à Malijai, l’avant-veille, il ne devait pas avoir
fermé l’œil. Il avait eu l’humanité de ne pas ajouter son poids à celui du
baril qui trônait sur la selle et il marchait à côté de sa monture tête basse.
    Le
fourreau de son arme traînait au sol à chaque pas tant il avançait courbé.
    Ils
descendirent ainsi jusqu’au vallon du Viou encaissé entre Forcalquier et Mane.
Le jour baissait.
    — Monsieur
le baron, dit Antoine, nous n’en sommes pas à une heure près. L’arbre peut
attendre. Vous tombez de fatigue !
    — Je
tombe, dit Gaussan, mais l’Empereur tombera encore plus que moi si je ne lui
apporte pas mon trésor !
    Il se
redressa d’un pied, héraldique presque et le casoar haut perché sur sa tête de
noble provençal, quelque peu révélé en sa maigreur espagnole par le Maure qui,
autrefois, avait altéré le blason des Pons de Gaussan en quelque siège héroïque
contre les Sarrasins.
    Ceint
comme d’un ruban d’honneur par le cordon goudronné qui devait conduire le feu
jusqu’au baril de poudre, Antoine tenait la bride du cheval et marchait devant.
Il entendit soudain le bruit d’un sac de cuillers qui s’effondre. C’était
Gaussan, le surhumain Gaussan que le sommeil fauchait en pleine course. C’était
le moment où Antoine se disait : « Ça n’arrivera donc
jamais ? »
    C’était
arrivé. Antoine considéra l’homme sans défense à ses pieds. Il n’avait besoin
que de la moitié de sa force pour le charger sur ses épaules et le déposer au
milieu de la clairière dans l’herbe que la neige n’avait pas atteinte sous le
couvert.
    L’homme
ronflait. Antoine debout le considéra longuement. Un homme qui dort est un
enfant sans défense. Il n’a plus de rôle à tenir dans le monde, alors il
s’offre aux yeux de tous dans sa splendide naïveté.
    Antoine
dut faire un effort désespéré pour retrouver le hussard arrogant qui tout à
l’heure donnait des ordres avec morgue et sans pitié. Il dut se figurer l’arbre
de Gaussan gisant de tout son long abattu et Sensitive joignant les mains de
douleur devant ce cadavre.
    Mais cet
effort Antoine le fit en accomplissant tous les gestes auxquels il avait
réfléchi en chemin depuis Gaussan.
    Désarrimer
le baril, l’installer debout au sol à côté du dormeur, dérouler le cordon qui
le ceignait, allumer avec le briquet amadou sorti de sa poche le cordon qui se
mit à grésiller, tous ces gestes furent accomplis avec le plus grand calme.
    Antoine
prit le cheval par la bride et sans hâte, il savait qu’il avait quatre minutes,
il s’entourna vers Mane et Gaussan. Il ne pensait pas.
    L’instinct l’arrêta à la limite du vallon. La déflagration fit se
cabrer le cheval. Il y eut une grande fumée sur le Viou et dans les bois.
Antoine

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