Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
Vom Netzwerk:
qui permettrait d’atteindre à la
pureté dont il était tant question pour accéder au savoir suprême. Il avait le
jugement sain avec l’esprit le plus simple et il ne concevait pas comment la
matière et la pensée pouvaient trouver un point de rencontre qui leur permette
de s’insérer l’une dans l’autre au point de créer une nouvelle entité qu’on
appelait la pierre philosophale. Il cherchait le lien entre la grossière
construction, quoique inquiétante, de l’athanor et le mysticisme qui y était
enclos. Il ne parvenait pas à les conjuguer. Il s’y était efforcé à l’aide d’un
feu d’enfer et n’était parvenu qu’à faire fondre du plomb incandescent. Cela
donnait une fusion miroitante qui palpitait au fond du creuset comme le
battement d’un cœur, bien plus étincelante à contempler que celle de l’or mais
qui, en refroidissant, n’était plus que le métal terne de l’origine. Le Mèche
était devenu sceptique non par conviction mais par expérience. Le four du feu
immortel comme le nommait Flamel dans son grimoire n’était guère capable que de
chauffer les pieds des pauvres mortels.
    Ou alors
il fallait croire la confidence de Flamel à sa femme Pernelle : « Les
fruits de l’alchimie appartiennent au jardin des Hespérides. Ils ne se
présentent qu’au terme d’un effort constant comme le couronnement d’une
existence entière vouée à la conscience corporelle et spirituelle. »
    Le Mèche
s’était ouvert de ses doutes à Clairance sur l’oreiller, tel jour qu’il venait
de l’honorer à travers le trou du cilice dont il l’obligeait à s’armer afin
qu’en réduisant au minimum la tentation de la chair, comme il avait refusé celle
de la parfaite intelligence pour échapper à l’orgueil, il pût enfin accéder à
cette connaissance universelle surgissant d’un fourneau chauffé à blanc mais
auquel il convenait d’adjoindre, par on ne sait quelle contorsion de l’esprit,
la maîtrise et la connaissance de soi, la pureté matérielle et celle
d’intention, pour parvenir à cette entité dont l’accès n’est autorisé qu’à ceux
qui savent voiler leur pensée sous d’obscures abstractions.
    — Mais
enfin, notre maître, lui avait dit Clairance, tandis qu’il la besognait, cette
pierre dont vous dites tant de bien, n’est-elle pas d’abord destinée à faire de
l’or ?
    Elle
avait lu le livre de Flamel et l’avait interprété tout de travers.
    — Que
si fait, ma mie, mais savez-vous d’abord ce que c’est que l’or ? D’après
Platon, il s’agit de la métamorphose d’un liquide filtrant à travers les
pierres, dont il serait possible de l’extraire par cuissons répétées.
    — À
la bonne heure ! dit Clairance en se soustrayant aux tentatives de son
époux. Faisons cuire ! Faisons cuire !
    Elle le
secondait dans cette chaufferie infernale pour parvenir au grand œuvre mais, y
échouant, elle le traitait d’homme à béquilles dix fois le jour et néanmoins
elle s’obstinait. Elle était hagarde à force de concentration. Son âme huchait
littéralement hors de son corps pour tenter de se transcender en or par le
truchement de cet étrange fourneau. Clairance ne voyait dans l’alchimie que le
moyen de se procurer un peu de ce doux métal qui trouble tant de têtes. Oh,
elle n’en attendait pas beaucoup. Une pincée lui eût suffi.
    Le Mèche
regardait la Clairance agrippée au tire-fond du soufflet. C’était un
gigantesque appareil taillé dans la peau d’un taureau. Il luisait haut dans la
pénombre du plafond fait de poutres à peine équarries, encore animé, semblait-il,
du halètement de la bête courant la campagne.
    La
Clairance avait des muscles d’homme. Le Mèche l’observait avec commisération,
sous la cheminée de fer, activant le feu devant l’athanor lequel, ce matin-là,
lui paraissait d’une fainéantise absolue. Clairance insultait le fourneau sans
vergogne. Elle avait fini par le prendre pour une personne vivante et armée
d’une mauvaise volonté évidente.
    Elle
était à croupetons, tout en muscles, en suspension entre ciel et terre, aspirée
par la force du soufflet quand celui-ci se repliait. Le Mèche admirait sous la
futaine fendue les belles rondeurs de cette femme de trente ans. Il hochait la
tête interminablement.
    —  O
sancta simplicitas ! s’écria-t-il à voix contenue.
    — Tu
vois que tu sais parler latin maintenant !
    C’était
le curé de Lincel qui arrivait. Il

Weitere Kostenlose Bücher