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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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couronner du clocher dont on avait dû
lamentablement coiffer une fontaine.
    Chérubin
se déplaçait autour du fantôme de ce monastère en essayant de deviner la ville
au loin dont aucune rumeur de vie n’émanait.
    Il se demandait
en quelle partie de l’édifice qu’il rêvait encore il allait dessiner la chambre
de la marquise. Que préférerait-elle ? Le levant ou le ponant ? Il se
réjouit à l’idée qu’il allait devoir le lui demander et que ce serait entre eux
un long sujet de discussion. Que choisirait celle dont il ignorait encore le
prénom ? Pour son coucher et son réveil ? Que préférerait-elle
contempler, du sommet de l’Estrop ou bien de la couronne blanche de Forcalquier
sommée de sa verrue de safre disgracieux ?
    — Eh
bien monsieur ? dit Palamède, vous rêvez votre œuvre ?
    Il était
arrivé en silence à côté de son hôte. Quand il claudiquait dans l’herbe ou sur
la terre, le bruit de sa béquille ne s’entendait pas. C’était la première fois
qu’il rencontrait Chérubin et que ce fut la nuit et qu’ils se vissent à peine,
en silhouette, malgré la lune au zénith, donnait à cette rencontre un caractère
d’irréalité qui devait se perpétuer tout au long de leurs relations futures.
    Tout de
suite entre eux se dressa Gersande et pourtant il ne fut pas question d’elle.
Ils se tournèrent vers le vide où ils allaient édifier leur caprice. Et ils
eurent sur l’architecture du château futur une conversation à grands gestes
larges qui n’avait trait qu’à leur passion. Quand ils se quittèrent au jour levant
et que Chérubin avec déférence eut raccompagné le marquis jusqu’à la terrasse
de Montlouis, ils étaient amis.
    — Vous
comprenez, dit Palamède comme s’il s’excusait, nous sommes singuliers tous les
deux. Je ne vous ai pas demandé pourquoi vous vous promeniez la nuit au lieu de
dormir, je ne vous l’ai pas non plus expliqué en ce qui me concerne. Notez
bien, pour moi c’est très simple : je ronfle et la marquise me flanque des
coups de pied. Parfois je me tourne vers la ruelle et je me rendors, mais parfois
il fait si beau dehors que j’ai envie d’appréhender la nuit.
    Il
s’interrompit net, s’apercevant qu’il venait de dévoiler en peu de mots
l’essentiel de son âme à cet inconnu qui ne disait mot de la sienne. Avec une
légèreté qu’on n’eût pas attendue d’un infirme, il pivota sur sa jambe valide
pour couper le pas à son compagnon.
    — Mon
intendant vous aura dit sans doute que j’attendais de vous une maison du
bonheur ?
    — Sans
doute, et j’essayerai en toute chose de satisfaire votre seigneurie.
    Chérubin
finit sa nuit à la lueur de la chandelle. Le souvenir de Gersande dormant au
soleil excitait son imagination et il la voyait montant le grand escalier qu’il
venait de dessiner, parcourant les cent coudées du long corridor où se
distribuaient les pièces domestiques, chambres et boudoirs. Il la voyait
entrant dans l’une de ces pièces devenue sa chambre. Soudain elle laissait
tomber à ses pieds son vertugadin et s’avançait en jupon de soie vers son lit,
et comme c’était de dos qu’il l’imaginait il faisait abstraction de son ventre
démesuré. Cette nuit-là, jusqu’au matin, ce fut le lit à baldaquin, la literie
en désordre, le vertugadin au sol qu’il dessina, toutes choses qui n’étaient
pas prévues au plan du château. La marquise de son côté était devenue un
secret, jusqu’ici elle pratiquait modérément la religion de ses pères et elle
était rayonnante. À partir du jour où commença l’édification de Gaussan et que
Jean-le-Baptiste vint s’installer à demeure dans l’antique forteresse de Mane
où Palamède l’avait logé, la marquise commença à rêver à ce jeune homme bien
fait dont les deux jambes rivalisaient de perfection, sous la soie attrayante
de l’étoffe qui les moulait. Elle alla lutter à l’église contre le sentiment
qui l’envahissait.
    Tout
était donc prêt pour que Chérubin aimât Gersande à la folie mais quelque chose
d’imprévu vint se jeter en travers des projets du bâtisseur. Gersande éprouva
les douleurs de l’enfantement huit jours avant la date. La matrone n’arriva pas
assez vite pour décrocher l’enfant qui se présentait en siège décomplété, le
bébé s’étouffa au passage, on le tira mort-né hors le ventre de sa mère.
    Gersande
fut entre la vie et la mort huit jours durant. Pendant ces huit jours, on

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