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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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soit pas
de lui.
    Cette
humilité provoqua tout de suite chez Saint-Jean un vif accès de tendresse
vaniteuse.
    Le
silence dura entre eux interminable jusqu’à l’arrivée de Pallio qui revint sur
ces entrefaites.
    Il
n’était jamais bien loin. Lui ou ses frères ou leurs épouses veillaient comme
chien de garde sur la marquise et ses enfants.
    Pallio
arriva, s’exclamant pour essayer d’interrompre l’instant, de casser le silence,
car il avait compris avant eux ce qui se passait entre Gersande et le Baptiste
et que déjà nul n’y pouvait plus rien.
    Cependant
Pallio s’activait, volubile et déférent. Il tenait le marchepied à l’architecte
et sitôt celui-ci à terre le désignait à la marquise, lui déférait ses
qualités, ce qu’il allait faire pour elle, énuméra ses exploits de bâtisseur.
La marquise hochait la tête à mesure. Chérubin ne disait mot. Les têtes de l’un
et de l’autre ne bougeaient pas, les yeux de l’un rivés vers l’autre. Aucun
mot, pendant que Pallio activait sa pantomime, ne fut prononcé ni aucun
mouvement ne fut esquissé. Ils étaient tous deux figés pour l’éternité dans
l’élan immobile qui les ensorcelait.
    — Mon
maître, dit Pallio, m’a donné l’ordre de vous installer à la citadelle où il
vous a fait préparer tout ce qu’il faut pour un long séjour. Je vais vous y conduire, vous devez être fatigué
après une si longue traite.
    — Oui,
sans doute, dit Chérubin désorienté.
    Il avait
peine à prendre garde à autre chose qu’au ventre volumineux de la marquise.
C’était la première fois de sa vie qu’il tombait roide amoureux d’une femme
enceinte.
    Pallio,
malheureusement, dut jouer son rôle de domestique et mener à l’écurie la pouliche
et la vinaigrette. Il eut beau passer en hâte aux communs pour aviser sa femme
qu’elle vînt veiller sur sa maîtresse, quand celle-ci atteignit la terrasse
elle vit, aux pieds de Gersande, Chérubin qui se relevait d’un long
agenouillement et qui avait eu le temps de lui dire :
    — Madame,
je vous ferai le plus beau château du monde et je vous le ferai pour
rien !
    C’était
un engagement bien léger car il était perclus de dettes contractées en d’autres
amours. Madame de Simiane et madame de Sabran étaient capables en une seule
nuit de perdre dix fois leur vertu et cent fois leur chemise à toutes sortes de
jeux de hasard où elles enrageaient. Chérubin n’échappait à ses créanciers qu’à
la condition qu’il eût à chacune des échéances non respectées un nouveau chantier
en train.
    Sur ces
entrefaites, deux jours plus tard, Palamède revint d’Aix, au grand soulagement
de Pallio qui avait établi un tour de garde avec ses deux frères aux portes de
la citadelle, afin de parer à toute rencontre. L’état de la marquise aurait dû
le rassurer mais le souvenir de celui de sa femme en pareille circonstance l’en
dissuadait. Celle-ci lui réclamait la grossesse, prétendant qu’en cette
condition son plaisir était le plus vif.
    Pendant
ce temps, Chérubin s’évadait de la citadelle chaque nuit par un pan de mur
écroulé où il risquait sa vie, mais il ne voulait pas rencontrer Pallio ou ses
frères.
    Il
marchait au clair de lune, en rêvant à Gersande, jusqu’à ces ruines du
monastère où le silence s’était formé sur tant d’anciens cris d’horreur.
    Dans
cette montagne de murs écroulés hérissée d’arbres difformes qui avaient dû,
pour grandir, se frayer un passage à travers les décombres, Chérubin vit la
plus belle carrière de matériaux qu’on puisse rêver.
    La mare
devenue étang clapotait sous la lune. Auprès ou au loin, on ne savait, un seul
rossignol égrenait à voix basse sa douleur ou sa liesse.
    Sur la
pointe des pieds, Chérubin se rapprocha du chant mystérieux. Les reflets de la
lune dessinaient la forme du grand chêne dont le houppier clapotait sous un
vent léger par-dessus la forêt, qui formait pour le hausser un océan d’ombre
d’où il émergeait tel un navire voguant sur la nuit limpide.
    Le temps
était perceptible dans cette présence témoin du passé. Chérubin ne put
s’empêcher de marcher jusqu’au tronc pour le flatter de la main. Il se
retourna. Les lumignons de Mane et de Forcalquier luisaient sans éclairer,
bornant leur territoire. Seule dépassait sous le ciel la masse compacte de la
concathédrale achevée tant bien que mal au siècle passé dans le regret de
n’avoir pu faute d’argent la

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