Claude, empereur malgré lui
l’espère de tout mon cœur, répondit Hérode. Il m’a demandé : « Mais cette dette, alors ? » Je lui ai répondu que c’était un prêt qui m’avait été accordé en bonne et due forme par la Cassette privée et que si un mandat avait été lancé contre moi pour cette raison, ce devait être à l’instigation du traître Séjan : je me chargeais de régler sans délai ce problème avec le trésorier. Mais l’empereur a déclaré : « Hérode, si tu n’as pas remboursé cette dette intégralement d’ici une semaine, tu ne seras pas le tuteur de mon petit-fils. » Tu sais comme il se montre intraitable en ce qui concerne les dettes envers la Cassette privée. J’ai répondu d’un ton détaché qu’elle serait sans faute payée dans les trois jours. Mais j’avais le cœur comme du plomb. Je t’ai donc écrit immédiatement, chère bienfaitrice, sachant que peut-être…
Ma mère intervint de nouveau :
— C’était très mal de ta part, Hérode, de faire de tels mensonges à l’empereur.
— Je sais, je sais, dit Hérode, feignant un profond repentir. Si tu t’étais trouvée dans ma position, tu aurais sans aucun doute dit la vérité : mais j’ai manqué de courage. Et, comme je le disais, ces sept années en Orient loin de toi ont gravement émoussé mon sens moral.
— Claude, dit ma mère d’un ton résolu, comment pouvons-nous trouver rapidement douze mille pièces d’or ? Voyons, et cette lettre d’Aristobule ?
Par un heureux hasard, j’avais en effet reçu le matin même une lettre d’Aristobule me demandant d’investir quelque argent pour lui dans des terrains, qui se vendaient alors à bas prix du fait de la rareté de la monnaie. Et dans sa lettre il était inclus une traite bancaire de dix milles pièces d’or.
— Aristobule ! s’écria Hérode. Comment diable a-t-il pu ramasser dix mille pièces d’or ? Ce garçon sans principes a dû user de son influence sur Flaccus pour soutirer des pots-de-vin aux indigènes.
— Dans ce cas, dit ma mère, il s’est à mon avis conduit de façon méprisable à ton égard en informant mon vieil ami Flaccus que les Damascènes t’envoyaient un présent pour te remercier d’avoir si bien plaidé leur cause. Je n’aurais pas imaginé pareille mesquinerie de la part d’Aristobule. Et maintenant peut-être ce ne serait que justice si ces dix mille pièces d’or pouvaient t’être prêtées temporairement – je dis bien temporairement, Hérode – pour t’aider à te remettre à flot. Trouver les deux mille de reste, ne présentera pas de difficulté, n’est - ce pas, Claude ?
— Tu oublies, mère, qu’Hérode détient toujours les huit mille pièces d’or de l’alabarque. À moins qu’il ne les ait déjà dépensées. Si nous lui confions l’argent d’Aristobule, il sera plus riche que nous.
Hérode fut donc averti qu’il devrait rembourser sa dette sans faute dans les trois mois, sinon je serais déclaré coupable d’abus de confiance. Cette solution ne me plaisait guère, mais je la préférais à la seule autre offerte, qui consistait à hypothéquer notre maison sur le mont Palatin pour trouver l’argent. Tout se passa bien néanmoins. Non seulement Hérode reçut confirmation de son titre de tuteur de Gémellus, aussitôt restituées à la Cassette privée les douze mille pièces d’or, mais il me rendit également la totalité du prêt Aristobule deux jours avant l’échéance et, en outre, régla une vieille dette de cinq mille pièces d’or que nous n’espérions plus revoir. Car Hérode, en tant que tuteur de Gémellus, était amené à beaucoup fréquenter Caligula, dont Tibère, âgé maintenant de soixante-quinze ans, avait fait son fils d’adoption et son héritier présomptif. Tibère donnait très peu d’argent à Caligula, et Hérode, après avoir gagné la confiance de Caligula en lui offrant des banquets raffinés, de somptueux cadeaux et ainsi de suite, devint son agent accrédité pour emprunter d’importantes sommes d’argent, dans le plus grand secret, à des hommes riches qui voulaient s’attirer les bonnes grâces du nouvel empereur. Car la fin de Tibère semblait proche. Quand la confiance de Caligula en Hérode fut ainsi prouvée et bien connue des cercles financiers, il n’eut aucune difficulté à emprunter de l’argent aussi bien en son nom qu’en celui de Caligula. Ses dettes remontant à sept ans s’étaient
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