Claude, empereur malgré lui
d’avance, après avoir consulté le général lui-même, les objectifs exacts à attaquer et lui demanderais de préciser ce qu’il lui faudrait de jours ou de mois pour en venir à bout. Je lui laisserais le soin de prendre toutes dispositions nécessaires sur le plan stratégique et tactique, et n’exercerais mon droit personnel au commandement suprême, avec le soutien de renforts éventuels, que si les objectifs n’étaient pas atteints à la date convenue ou si les pertes romaines dépassaient le chiffre stipulé.
Car j’avais une campagne contre les Cattes en vue pour Galba. Et ce devait être une expédition punitive. Je ne me proposais pas d’agrandir l’Empire au-delà de la frontière naturelle et évidente du Rhin, mais lorsque les Cattes et les tribus du nord, les Istaévons, avaient cessé de respecter cette frontière, le temps était venu d’agir avec toute la vigueur nécessaire pour réaffirmer la suprématie Romaine. Selon mon frère Germanicus, il n’existait qu’un moyen pour forcer le respect des Germains : la brutalité ; et il précisait même que c’était la seule nation au monde dans ce cas. Les Espagnols, par exemple, pouvaient être impressionnés par la courtoisie d’un conquérant, les Français par ses richesses, les Grecs par son respect pour les arts, les Juifs par son intégrité morale, les Africains par son maintien calme et autoritaire. Mais il faut faire mordre la poussière au Germain, qu’aucune de ces qualités ne touche, le frapper à nouveau quand il se relève et le frapper encore quand il gît à terre, gémissant. « Tant que ses blessures le feront souffrir, il respectera la main qui les lui a infligées. »
Tandis qu’avancerait Galba, une autre expédition punitive devait être lancée contre les pillards Istaévons par Gabinius, le général commandant les quatre régiments qui tenaient le Haut Rhin. L’expédition de Gabinius m’intéressait beaucoup plus que celle de Galba, car son but n’était pas purement punitif. Avant de l’ordonner, j’offris un sacrifice dans le temple d’Auguste et informai secrètement le Dieu que j’étais résolu à terminer la tâche que mon frère Germanicus n’avait pu mener à bien et à laquelle, je le savais Il s’intéressait lui-même particulièrement : la reconquête de la troisième et dernière Aigle perdue de Varus, toujours aux mains des Germains depuis plus de trente ans. Mon frère Germanicus, lui rappelai-je, avait reconquis une Aigle l’année suivant sa déification et une autre au cours de la campagne qui s’ensuivit ; mais Tibère l’avait rappelé avant qu’il ne puisse venger Varus par une victoire écrasante et reprendre l’Aigle qui manquait encore. Je suppliai donc le Dieu de favoriser mes armes et de rendre à Rome son honneur. Comme s’élevait la fumée du sacrifice, les mains de la statue d’Auguste semblèrent esquisser un geste de bénédiction et sa tête parut s’incliner. C’était peut-être un tour joué par la fumée, mais j’y vis un présage favorable.
En vérité, je croyais savoir avec certitude où l’Aigle était cachée en Germanie et n’étais pas peu fier de la façon dont j’avais découvert ce secret. Mes prédécesseurs auraient pu en faire autant si seulement ils y avaient songé ; mais ce ne fut pas le cas. Je prenais toujours plaisir à me prouver à moi-même que je n’étais certes pas aussi stupide que tous l’avaient cru et que dans certains domaines, je m’en tirais beaucoup mieux qu’eux. L’idée me vint donc que dans mon bataillon impérial, composé de captifs provenant de presque toutes les régions de Germanie, il devait bien y avoir une demi-douzaine au moins d’hommes à savoir où l’Aigle était cachée ; pourtant, quand la question leur avait été posée un jour au défilé par Caligula, qui leur offrait en échange du renseignement la liberté et une importante somme d’argent, tous les visages s’étaient vidés d’expression, personne apparemment ne savait. J’essayai donc une méthode de persuasion tout à fait différente. Je les passai tous en revue un jour et m’adressai à eux avec la plus grande bienveillance ; je leur déclarai que pour les récompenser de leurs loyaux services, j’allais leur accorder une faveur sans précédent : j’allais renvoyer en Germanie – leur chère, leur bien-aimée Mère Patrie, qu’ils évoquaient le soir dans des chants si mélancoliques, si
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