Claude, empereur malgré lui
Germanicus avait toujours estimé qu’ils étaient les meilleurs combattants de toute la Germanie. Ils conservaient leur alignement au combat, obéissaient à leurs chefs presque comme des Romains et le soir creusaient des tranchées et établissaient des avant-postes, précaution rarement prise par les autres tribus germaniques. Il en coûta à Galba plusieurs mois et de lourdes pertes en hommes pour les déloger et leur faire retraverser le fleuve.
Galba était très strict sur le chapitre de la discipline. Gétulicus avait été un soldat compétent mais par trop complaisant. Le jour où Galba arriva à Mayence pour prendre son commandement, les soldats assistaient à des jeux données en l’honneur de Caligula. Un chasseur avait fait montre d’une grande habileté pour tuer un léopard et les hommes se mirent tous à applaudir. Les premiers mots de Galba quand il pénétra dans la loge du général furent les suivants : « Soldats, gardez vos mains sous vos manteaux ! Je suis maintenant votre chef et je ne tolérerai aucun relâchement. » Il tint parole et acquit une popularité singulière pour un commandant aussi sévère. Ses ennemis le prétendaient avare, mais injustement ; il était simplement d’une grande frugalité, décourageait la prodigalité dans son état-major et exigeait de ses subordonnés un compte exact des dépenses. Quand arriva la nouvelle de l’assassinat de Caligula, ses amis le pressèrent de marcher sur Rome à la tête de ses troupes, affirmant qu’il était maintenant le seul capable de prendre en mains les destinées de l’Empire. « Marcher sur Rome et laisser le Rhin sans défense ? répliqua-t-il. Pour quel Romain me prenez-vous ? » Et il poursuivit : « D’ailleurs, on affirme de tout part que ce Claude est un homme dur au travail et plein de modestie ; et bien que certains d’entre vous semblent le prendre pour un idiot, j’hésiterais à appeler ainsi un membre de la famille impériale qui a réussi à survivre aux règnes d’Auguste, de Tibère et de Caligula. J’estime qu’étant donné les circonstances le choix est judicieux et je serai heureux de prêter à Claude le serment d’allégeance. Ce n’est pas un soldat, dites-vous. Eh bien, tant mieux. L’expérience de la guerre n’est pas toujours salutaire pour un commandant en chef. Le Dieu Auguste – j’en parle avec tout le respect que je lui dois – avait tendance, sur ses vieux jours, à paralyser l’action de ses généraux par des instructions et des conseils beaucoup trop détaillés : cette dernière campagne des Balkans n’aurait pas ainsi traîné en longueur s’il n’avait pas mis un tel zèle à livrer de nouveau de l’arrière les batailles qu’il avait livrées à la tête de ses troupes près de quarante ans auparavant. Claude, à mon avis, ne partira pas en campagne à son âge et ne sera pas tenté de passer outre aux décisions de ses généraux sur les problèmes dont il ignore tout. Mais en même temps, c’est un savant historien et il a, m’a - t-on dit, une compréhension des principes généraux de stratégie que bien des commandants en chef avec une véritable expérience du combat pourraient lui envier.
Ces remarques de Galba me furent répétées plus tard par un membre de son état-major et je lui écrivis une lettre personnelle pour le remercier de la bonne opinion qu’il avait de moi. Je lui déclarai qu’il pouvait compter sur moi pour laisser les mains libres à mes généraux dans toutes les campagnes que je pourrais ordonner ou autoriser. Je me contenterais de décider si l’expédition devait avoir un caractère de conquête ou simplement punitif. Dans le premier cas, des soucis humanitaires devraient tempérer nos ardeurs – il convenait d’endommager aussi peu que possible les villages et les villes conquises ainsi que les récoltes sur pied, de ne pas humilier les Dieux locaux, et de ne se livrer à aucune boucherie une fois l’ennemi vaincu sur le champ de bataille. En revanche, au cours d’une expédition punitive, il ne fallait faire montre d’aucune clémence, dévaster sans merci les récoltes, les villages, les villes et les temples, et massacrer tous les habitants qui ne valaient pas la peine d’être emmenés comme esclaves. J’indiquerais également le chiffre maximum des réservistes qui pourraient être recrutés et celui des pertes admissibles parmi les soldats romains. Je déciderais
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