Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
Gyorgy Thuzo, l'un des fidèles du roi Mathias, déclarer :
« Ersébet, tu es comme une bête. Tu vis tes derniers mois. Tu ne mérites pas de respirer l'air de cette terre ; ni de voir la lumière de Dieu. Tu n'es plus digne non plus d'appartenir à la société humaine. Tu vas disparaître de ce monde et tu n'y reviendras jamais. Les ténèbres te dévoreront. Je te condamne à la prison éternelle dans ton propre château. »
— Soit damné, chien ! le maudit une nouvelle fois la comtesse.
Ce traître avait convaincu le tribunal de transformer la mort rapide qui avait été décidée pour elle en une lente agonie où elle pourrait repenser à tout le mal qu'elle avait fait.
Sans que le moindre espoir pardon lui soit accordé.
Un poids se fit sentir dans sa poitrine. Les pierres noirâtres qui composaient les murs de sa prison semblaient se rapprocher d’elle jour après jour. Au point que la comtesse n’aurait pas était surprise de mourir écrasée entre elles. Ses poils se hérissèrent sur ses avants bras. Elle s’empressa de les frotter pour se débarrasser de l’horrible sensation.
L'odeur de la mort se faisait de plus en plus présente depuis quelques jours autour d'elle. Malgré les douleurs qui ne lui laissaient aucun répit, on lui avait refusé de voir un médecin.
Alors qu'elle s'apprêtait une fois de plus à sombrer dans l’inconscience, un éclat sur le miroir attira son attention. Au centre de la pièce trônait son plus beau miroir. On lui avait laissé non par charité mais par torture. Ainsi, chaque jour qui passait, elle pouvait voir les effets du temps ravager sa beauté.
Jusqu'à son veuvage, elle avait cru qu'il était impossible de combattre la vieillesse. Combien de crème avait-elle utilisé pour hydrater sa peau et en conserver la jeunesse ?
La solution lui était venue par hasard d'une servante maladroite, que la comtesse avait eu la bonne idée de corriger jusqu'au sang. Lorsque le liquide avait touché sa peau, celle-ci avait retrouvé sa blancheur et son élasticité comme lorsqu’elle était jeune fille.
Mais depuis qu'elle avait arrêté ses dames de jouvence, tels de sournois serpent elles étaient réapparues.
Minuscules, mais déjà là ! Exerçant leur sinistre besogne. Au coin de ses yeux, de ses lèvres, cet endroit même où autrefois se posait les baisers, ravageant sa perfection.
Son cousin avait fait preuve de la plus grande cruauté en laissant ces miroirs. En plus de son orgueil, c'était sa nature de femme qu'il la condamnait à regarder se gangrener, telle une fleur se flétrissant.
— Que de meurtrissures, gémit-elle en étirant sa peau du bout des doigts.
Les souvenirs défilèrent dans sa mémoire. Son éclatante jeunesse faisait d’elle la femme la plus belle et la plus enviée d'Europe. Les sanglots la secouaient plus par regret de cette beauté éphémère que par l'horreur d’avoir été conduite ici par celle-ci.
— Seulement quelque goutte ! pleura-t-elle, horrifiée par le reflet que la glace lui renvoyait.
Mais tu peux toujours en avoir.
Dans un sursaut, elle regarda tout autour d'elle. Son attention se fixa sur la trappe. Était-ce une nouvelle plaisanterie de ses tortionnaires ?
— Qui est là ? interrogea la comtesse sans la moindre ombre de peur dans la voix.
Elle était peut-être meurtrie, au bord de la mort, mais sa fierté et son honneur restait intact.
Regarde dans le miroir.
Obéissant, la quinquagénaire observa son propre reflet qui la contemplait avec un étrange sourire sur les lèvres.
— Quelles diableries est-ce là ?
Tu souhaites garder ta jeunesse ? Si je suis venu à toi Ersébet Bàthory c’est pour te proposer un pacte, un pacte qui te libérera de cette prison .
— Et que désirez-vous en échange ? demanda-t-elle, méfiante.
Je souhaite seulement que tu t’attaches au service de mon maître.
— Pour qui me prenez-vous ? cracha-t-elle, le visage tordu par la fureur. Je suis la dernière descendante de la famille Bàthory, et non une simple servante.
Si tu souhaites rester enfermée ici et vieillir petit à petit, à te regarder perdre la beauté, libre à toi. Mais, laisse-moi te montrer ton véritable aspect.
Un hurlement s'échappa des lèvres craquelées d’Ersébet quant à sa place apparut une vieille femme à la peau ridée comme une vieille pomme, la chevelure blanche pendant misérablement de chaque côté d'un visage cauchemardesque. L'espace d'un instant, cela lui
Weitere Kostenlose Bücher