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Clopin-clopant

Clopin-clopant

Titel: Clopin-clopant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Annie François
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fumer dans aucun hôpital, sinon
bientôt de l’herbe à titre thérapeutique. Je pourrai toujours rouler mes
Gauloises comme des pétards. Mais je suis sûre que les salauds vont nous servir
leur kif en génoise mollasse ou, comme dans l’hygiénique Suisse, en gélule.

La fumeuse et le papivore
    Je persuadai un jour François d’aller en Grèce. À court de
Gauloises, je me remis aux Papastratos dès Santorin. J’enrageais. Ça n’était
pas juste : on ne vendait de tabac français qu’aux alentours de la place
Syntagma alors que François trouvait Le Monde dans n’importe quel trou
perdu de Phocide. N’empêche : même si les Grecs, dans leur amour de la
presse écrite, acheminent la moindre feuille de chou du canton de Vaud, les
arrivages sont capricieux. Si capricieux que nos déplacements d’île en île, de
port en village de l’intérieur, ne tenaient qu’aux aléas de la distribution de
la presse, François courant toujours après un numéro manquant. Il était prêt à
faire dix kilomètres sous le cagnard, à remuer des tonnes de Frankfurter
allgemeine Zeitung , de Corriere della Sera, de Times dans de
minuscules épiceries, pour récupérer Le Monde de l’avant-avant-veille, raté
dans l’île précédente. À l’occasion, nous trouvions des grammaires germano-grecques,
ces villages de l’intérieur débordant d’Allemands hellénistes studieux qui
descendaient parfois réciter l ’Odyssée le long des plages.
    Au fond, cette course autour du Monde était une
manière comme une autre de faire du tourisme. Mais je râlais ferme. J’avais
tout de la vieille toquée, avec mon chapeau de paille, ma robe longue, mon
petit gilet, mes espadrilles, quand je vitupérais François, magnifique avec ses
cheveux bouclés, sa chemise blanche et son Monde sous le bras. Épuisés
par ces marches forcées, nous échouions dans les cafénion aux murs
recouverts de portraits de patriarches moustachus et barbus, sous le papier
tue-mouches, parmi les joueurs de dominos et de rami. François lisait son
journal durement gagné. Je sirotais mon café métrio en bouquinant. Puis
nous allions dessiner à l’ombre des maisons. Une porte s’ouvrait souvent dans
notre dos. On nous offrait une citronnade ou une grappe de raisin. En échange, il
fallait montrer son carnet. François, qui ne fait jamais de manières, s’exécutait
tandis que je m’esbignais discrètement. En fin d’après-midi, nous rentrions, recrus
de fatigue, dans notre petite piaule chaulée, face à des géraniums arborescents.
Un soir que je fumais une Gauloise à la fraîche, j’identifiai dans le massif
une tête de mouton récurée jusqu’à l’os, soutenue par les robustes branches, un
bouquet de fleurs rouges dans chaque orbite.

Dans les nuages
    Bref, c’étaient de bonnes vacances. Mais il fallait rentrer.
Caïque, bateau : encore deux jours de mer et voilà. Heureusement, place
Syntagma, je trouverais des Gauloises. L’arrachement fut moins cruel. Mais
notre bateau eut du retard et il fallut foncer du Pirée à l’aéroport et sauter
dans l’avion. À peine assise, je demandai à l’hôtesse une cartouche de Gauloises.
« Désolée, nous n’avons que des Marlboro. – Quoi, sur Air-France ! – Oui,
mademoiselle, je regrette. » Rencognée dans ma fureur, je concoctai in
petto une lettre de protestation du style ancien combattant outragé dans
son sentiment national et finis mes dernières Papastratos. Ne pouvant tarabuster
François – qui voyage toujours en non-fumeurs – je m’assoupis. Je fus réveillée
par une odeur épouvantable, épaisse, lourde, tenace, indéfinissable. Je jetai
un regard au hublot. Nous traversions un orage ; un réacteur semblait en
feu. D’où, évidemment, l’odeur. Tout était dans l’ordre. Je retrouvai mon
sang-froid, m’imaginant dans la fournaise, loin de François qui suffoquait, très
digne – comme moi –, dans son coin. Je hélai discrètement l’hôtesse pour ne pas
affoler les passagers et pointai l’aile du doigt. « Madame, je crois que
le réacteur est en feu. – Oui, nous avons un bel orage. Vous vouliez du feu ?
Je reviens. »
    Je reprogrammai mon analyse de l’odeur, un remugle ignoble
entre vomissure, œuf pourri, pot d’échappement. Qui venait très nettement du
siège derrière moi. Je me retournai vers le malotru ; il lisait
paisiblement et n’avait rien du vieux bouc en proie au mal de l’air. Sur sa
tablette trônait un paquet de Gauloises. Un

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