Complots et cabales
Vous m'avez rendu tant de services par le passé.
- Moi?
- Certes. Vous m'avez permis par vos questions de préciser des points qui n'étaient pas pour le lecteur tout à fait clairs.
- En voici un, Monsieur, avec votre gracieuse permission. Pourquoi est-ce un tel désastre pour la reine-mère de se réfugier à Avesnes, chez les Espagnols ?
- Parce que les Espagnols étant nos pires ennemis, quémander leur hospitalité c'était déserter sa patrie et trahir son roi.
- Mais Gaston en a fait tout autant je ne sais combien de fois, et, à
chaque fois, il se réfugiait chez le duc de Lorraine, qui est aussi notre pire ennemi.
- Ce n'est pas du tout la même chose. Gaston est par son sang l'héritier présomptif du trône de France, son aîné n'ayant pas de dauphin. O˘ qu'il choisisse de se trouver, Gaston ne perd ni son sang, ni son rang, ni son héritage. En revanche, hors le royaume de son fils, la reine-mère n'est plus la reine-mère. Elle n'est plus rien, et contrairement àGaston, elle n'a pas le moindre avenir. Ce "rien" se traduit par des pertes immenses, tant matérielles que morales. Elle perd Paris, elle perd le Louvre, elle perd ses belles résidences royales dans les provinces, elle perd surtout son magnifique Palais du Luxembourg que tant elle aime. Elle laisse derrière elle ses biens, plus d'un million d'or de revenus, sans compter les gratifications annuelles très généreuses du roi. Elle n'est plus la plus haute princesse de France. Elle ne
345
peut plus assister au Grand Conseil du roi, ou selon.les cas, refuser d'y assister, ce qui était une autre façon de faire sentir son pouvoir. Elle perd la possibilité de parler da sola a solo au roi. Et surtout, elle n'est plus qu'une générale qui abandonne ses troupes. Elle n'est plus le chef, l'inspiratrice et la caution de la cabale contre Richelieu. Elle n'a même plus le loisir d'accabler le roi de ses hurlantes scènes. Elle n'a plus le plus petit degré d'influence sur les affaires du royaume.
- Pensez-vous que Louis, un jour, la veuille rappeler en France ?
- Je suis bien assuré que non. Cette mère dure, hautaine et désaimante ne lui a jamais fait que du mal, en ses enfances et durant son règne. Louis n'a pas la mémoire courte. Belle lectrice, à mon tour de vous poser question.
- Monsieur, je vous ois.
- Mais vous riez!
- C'est que cela m'amuse et me titille de prendre votre place.
- Voici ma question, mais auparavant je voudrais vous demander de vous mettre dans la peau de la reine-mère.
- ¿ vrai dire, Monsieur, je n'estime pas que c'est là un très grand honneur. Je le ferai pour vous complaire.
- La grand merci! Reprenons notre conte. La reinemère, s'étant enfuie de Compiègne, est avertie à Sains que la porte de La Capelle ne lui sera pas ouverte et restera close àses appels. Elle se répand alors en récriminations : elle noulait sortir de France, mais la porte de La Capelle lui demeurant fermée, il a fallu à tout prix qu'elle quitte le royaume et c'est bien ce que voulaient ses ennemis. qu'êtesvous apensée de cette plainte ?
- que c'est un propos d'une enfantine mauvaise foi. La reine-mère n'était pas forcée de faire ce que voulaient ses e ennemis ". La Capelle fermée, elle pouvait retourner, sinon à Compiègne, du moins dans une ville française, par exemple à Saint-quentin. Et de Saint-quentin, traiter derechef avec le roi.
346
- Bravissimo ! Au lieu de cela, belle lectrice, le trente juillet 1631 à
quatre heures du soir, elle pénètre à Avesnes o˘ en l'absence du gouverneur, Monsieur de Crèvecoeur, elle descend à l'hostellerie de l'…cu de France. Cette hostellerie, c'est bien peu de chose après les fastes du Palais du Luxembourg. Dix longs jours plus tard, elle est à Bruxelles et reçue par les Espagnols, non pas avec tous les honneurs, mais avec quelques-uns.
- Pourquoi quelques-uns seulement?
- La reine était fort utile au gouvernement espagnol quand elle combattait à dents et griffes à Paris, au Conseil du roi, la politique anti-espagnole de Louis XIII. Mais àBruxelles, cette vieille dame autoritaire et atrabilaire n'est plus de grand service.
- Cette attitude n'est-elle pas un peu cynique ?
- Dure et cynique. Mais c'est ainsi que les princes traitent les grandes affaires. Vous ramentez-vous, belle lectrice, que j'ai quis de vous un petit exercice qui est de vous mettre dans la situation de la reine-mère qui, à Bruxelles, se trouve déjà fort désenchantée. Le thème
Weitere Kostenlose Bücher