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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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au monde, tant me poignait la gorge que je ne pus articuler les mots d'un Pater. Je t‚chai alors de prier au-dedans, en mes mérangeoises, et sans articuler, mais cela ne me réussit en aucune façon.
    Chacun sait que prière est chant ou récitation : il me semblait que le Seigneur ne pouvait m'ouÔr. Incapable que j'étais alors de mêler mon oraison à celle des serviteurs, des officiers, et des amis qui étaient là, agenouillés autour du lit funèbre, je fermai les yeux et tombai dans un grand pensement de Monsieur de Schomberg, lequel me fit grand mal.
    En ce monde o˘ tout passe et efface même, à la longue dans nos remembrances, les visages des êtres que nous avons aimés, permettez-moi, lecteur, de vous ramentevoir qui était le maréchal de Schomberg.
    De longue date, mais surtout à partir du xvie siècle, nos rois avaient renforcé leurs armées par des mercenaires allemands qui bientôt furent beaucoup mieux considérés que de simples mercenaires, car ils étaient vaillants, fidèles, durs à la peine, et fort disciplinés. Leurs officiers aussi, cadets impécunieux de bonne noblesse allemande, venus en France chercher gloire et fortune, étaient excellents, et l'un 404
    d'eux, colonel des reîtres (comme on appelait alors les cavaliers germaniques), fut naturalisé français en 1570 par Charles IX.
    Cinq ans plus tard, il lui naquit un fils qui, bien que de mère et de père allemands, hérita à sa naissance la nouvelle nationalité de ses parents. Et plus tard, à l'‚ge d'homme, il succéda à son père dans ses charges, devint à son tour maréchal de camp général des troupes allemandes en France. Son mérite, ou plutôt ses mérites, étaient si évidents qu'il devint par la suite gouverneur de La Marche, conseiller d'…tat, lieutenant général, grand maître de l'artillerie, et enfin en 1625, maréchal de France. Hélas, en 1629, le roi le nomma surintendant des finances, poste pour lequel il était singulièrement mal qualifié, n'entendant rien aux mathématiques et moins encore aux pécunes. D'aucuns renards, dans son ombre, s'en avisèrent, et ne craignirent pas de l'accuser devant le roi des malversations qu'ils avaient eux-mêmes commises. Le roi, qui était alors d'autant plus jaloux de son pouvoir royal que la reine-mère l'en avait tenu éloigné si longtemps, se montra à la fois h‚tif et implacable, et sans s'éclairer plus outre, disgracia tout de gob Schomberg.
    Tout béjaune que j'étais alors, j'eus l'immense audace d'aller me jeter aux pieds de Louis et de le supplier de diligenter une enquête sur la gestion de Schomberg. Le roi me foudroya du regard et je crus qu'il allait sur l'heure m'embastiller pour avoir osé révoquer en doute son jugement, ce qui, à ses yeux, était alors quasiment un crime de lèse-majesté. Mais ma jeunesse, mes larmes, les grands services rendus par mon père au sien, et aussi le souci que Louis eut toujours d'être juste, me sauvèrent. L'enquête fut faite, les méchants, confondus, Schomberg innocenté. Toutefois, fort sagement, on ne lui rendit pas les finances, mais on le remit à sa place véritable : à la tête d'une armée.
    Belle lectrice, j'ai fait ce conte dans un des volumes de mes Mémoires et si je vous le ramentois céans, ce n'est point pour m'en paonner, mais parce qu'il peint le roi en ses jeunes années vif, coléreux, précipiteux, c'est-
    à-dire tel
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    qu'il était, avant que Richelieu commenç‚t à lui apprendre, avec une prudence et un tact infinis, son métier de roi. Si ce jour-là je rendis à
    Schomberg ce service, il me rendit, et il rendit au royaume entier, un immense service en chassant les Anglais de l'île de Ré qu'ils occupaient, mais sans avoir pu se saisir de la forteresse o˘ Toiras et moi-même étions enfermés depuis des mois, invaincus, mais après ce longuissime siège, quasiment morts de verte faim. ¿ la Cour qui juge légèrement de tout et se soucie peu du bien du royaume, Schomberg était surtout réputé pour son adamantine fidélité à son épouse, tant est que Catherine me le donnait perpétuellement en modèle. Mais à la Cour, on en faisait de chaudes gorges, des épigrammes et des chansonnettes, dans lesquelles - ô finesse ! - on reprochait àSchomberg d'avoir les doigts trop gourds pour dégrafer un vertugadin...
    Il avait tant de mérites et il avait remporté tant de victoires dans toutes ses campagnes, qu'il ne parlait qu'à contrecoeur de la dernière, celle de

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