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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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soldats de Charles-Emmanuel tiraient sur nous des mousquetades, celles-ci, comme avait si bien dit Catherine, sauraient-elles faire la différence entre le guerrier et son interprète ?
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    Louis avait le plus grand souci de la santé de ses soldats et avait, en conséquence, considérablement étoffé le service sanitaire de ses armées, lequel comprenait des docteurs médecins, des barbiers chirurgiens, et des curateurs au pied qui étaient en même temps épouilleurs, le pou étant le grand ennemi des armées en campagne. Pour y parer, les revues étaient fréquentes, le cheveu du soldat tenu scrupuleusement court et les toisons de corps du haut en bas rasées pour ne point que la vermine s'y mît.
    Tout prosaÔques que furent ces soins et cet épouillement, ce fut la raison pour laquelle nous rest‚mes à Oulx deux jours encore après le Conseil de guerre dont je viens de dire ma r‚telée.
    Je fus, en fin de compte, fort aise du prolongement de notre séjour à Oulx, car ce délai donna l'occasion au maréchal de Créqui de m'inviter à dîner avec son fils, le comte de Sault. J'aimais le maréchal, maugré qu'il f˚t un peu altier, et j'admirais la munificence avec laquelle il traitait ses hôtes, ayant toutes les clicailles et pécunes qu'il fallait pour cela, et ne partant jamais en campagne sans se faire suivre d'une partie de sa cave, de sa porcelaine chinoise si délicatement assortie à la couleur de ses yeux, d'un cuisinier merveilleux et de ses aides et même, disait-on, de deux chambrières déguisées en pages pour ne point offenser le roi. Je n'ai jamais pu jeter l'oeil sur elles, pour ce qu'elles voyageaient, m'a-t-on dit, rideaux bien clos dans une carrosse. On murmurait pourtant que leur office était, aux étapes, de réchauffer le lit du maréchal. Ce qui donna lieu, quand Créqui fut saisi de son fiévreux catarrhe, aux plaisanteries que l'on devine sur l'insuffisance supposée de ce réchauffement.
    ¿ ce dîner de Créqui, la chère, en effet, fut fort bonne, mais Créqui luimême picora comme un moineau et quitta
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    la table à mi-repue, n'ayant désir que pour son lit, tant est que je pus à
    loisir parler au bec à bec avec le comte de Sault.
    …tant Créqui par son père et Lesdiguières par sa mère, il n'avait pas à se faire grand souci et tracassement quant à son avenir. qui plus est, non content d'être né, comme disent les Anglais, avec un cuiller d'argent dans la bouche, il était grand, bien fait, la tête belle avec une magnifique chevelure noire bouclée, des yeux marron clair, des traits réguliers, une belle bouche, et des dents éclatantes. On aurait pu croire qu'ayant, comme dit la Bible, tant à se glorifier dans la chair et laissant derrière lui tant de coeurs trémulants, il serait devenu à la longue aussi piaffant et paonnant que Bassompierre. Or tout le rebours, ni dans son abord, ni dans son langage, ni dans son corporis habitus, on ne trouvait le moindre soupçon de morgue. Sans qu'on p˚t savoir de qui il tenait ce bon naturel, car ni son père, ni sa mère (née Lesdiguières) n'étaient des parangons de modestie, il était avec tous, y compris avec le domestique', son écuyeur et ses soldats, d'une politesse si patiente et si douce qu'elle l'e˚t, se peut, fait mépriser, s'il n'avait été en même temps si beau, si vaillant et si riche. Bien qu'il n'aboy‚t jamais et ne punît que peu, il avait fait de son régiment un exemple de discipline. Il est vrai qu'il commandait à des Suisses et que les Suisses, si j'en crois le brave Hôrner, "sont soldats dès le sein de leur mère ".
    Me ramentevant qu'à mon advenue dans la citadelle de l'île de Ré, j'avais eu maille à partir avec Toiras, pour la raison qu'il avait cru que le roi m'envoyait à lui pour partager son commandement, je voulus rassurer dès l'abord le comte de Sault au cas o˘ il aurait conçu à mon endroit les mêmes alarmes. Je ne laissais donc pas de lui dire que ne sachant pas la guerre, j'entendais que ma mission se born‚t àservir de truchement entre les paysans du Gravere et luimême. Il me répondit à la franche marguerite que, de son
    1. Ce mot désigne au xvne siècle l'ensemble des domestiques d'une maison.
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    côté, il l'entendait bien ainsi, mais qu'il n'ignorait pas que j'avais acquis, au cours de mes missions, une grande expérience et qu'il ne faillirait pas d'avoir recours à moi, au cas o˘ il serait embarrassé et douteux quant à la décision qu'il aurait à

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