Complots et cabales
les propos du cardinal, n'avait pas aimé que Bassompierre, implicitement, les rabaiss‚t.
# C'est à vous, Messieurs, répéta Louis, de vous poser la question.
Comme presque toujours dans ces cas-là, un assez long silence tomba, personne ne se souciant de parler le premier.
- Schomberg ? dit le roi en levant le sourcil.
- L'alternative est la suivante, Sire, dit Schomberg qui se montra comme toujours méthodique et méticuleux. Ou bien nous ne menons contre les barricades qu'une attaque frontale, ou bien nous l'accompagnons d'une attaque sur le flanc sud des barricades en passant par le Gravere. Cette attaque selon moi serait décisive, si ledit flanc est, en effet, dégarni de toute défense et surveillance.
- Il l'est, dis-je, regrettant aussitôt d'avoir pris la parole sans la demander, pour le moment, mais je ne saurais prédise (avenir. Cependant l'a priori du Signor Bellonte, sa
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belle assurance que les Français n'attaqueront pas par là, me paraît indiquer que ce flanc sud restera dans l'état o˘ je l'ai vu, c'est-à-dire sans défense.
- Je ne vois pas l'intérêt de ce mouvement tournant, dit Créqui. Si les barricades sont en bois, quelques boulets de canon feront l'affaire.
J'eus le sentiment, en l'oyant, qu'il craignait, dans le mauvais état o˘ il se trouvait, qu'on lui confi‚t l'expédition dans le Gravere pour la raison que, connaissant l'Italie et les Italiens, il serait mieux en mesure que personne de recruter des guides afin de retrouver les sentiers muletiers recouverts par les neiges.
Je levai alors la main pour quérir du roi la parole et Louis me dit aussitôt
- Mon cousin, vous pouvez intervenir en ce débat àégalité avec nos quatre maréchaux, puisque vous avez apporté les renseignements dont ils étudient l'usage.
Du coin de l'oeil je ne faillis pas d'apercevoir combien Toiras était heureux et ébahi d'être compté par le roi parmi les "quatre maréchaux "
alors qu'il n'en possédait pas encore le titre : que ce f˚t lapsus, ou promesse voilée, de toute façon il y avait là de quoi lui réchauffer le coeur.
- Sire, dis-je, voici ce que j'avais à dire. ¿ la hauteur du village d'Exilles, qui est à mi-chemin entre Oulx et Chiomonte, nous avons trouvé
tant de neige sur la route que notre charrette s'est enfoncée profondément, les roues disparaissant et les chevaux ayant de la neige jusqu'au ventre.
Il a fallu des heures de dur travail pour les désembourber. Et àmoins d'une improbable fonte des neiges, il me paraît impossible, Sire, que votre artillerie puisse passer par là -ou par tout autre chemin - car à gauche vous avez la rivière, et à droite une pente abrupte.
Après cette précision, un silence tomba qui me parut lourd de quelque appréhension: quel homme de guerre aimerait partir en campagne, privé de son artillerie ?
- Voilà, dit Toiras, qui, après l'implicite avancement dont il avait fait l'objet, ne se trouvait plus si gêné pour prendre la 95
parole parmi ses " pairs
>. Voilà, Sire, qui me paraît tout changer. Sans artillerie, une attaque frontale contre les barricades ne se pourra faire que mousquet contre mousquet, c'est fort aléatoire. Dès lors, une attaque par le flanc, et un flanc découvert, me paraît tout à plein s'imposer.
- Je le crois aussi, dit Schomberg.
Créqui et Bassompierre se turent. Le premier pour la raison que l'on sait.
Bassompierre parce qu'il aimait faire le contrariant et le difficile, afin de demeurer clos et solitaire dans la forteresse de ses infinies supériorités.
Le roi qui avait eu déjà maille à partir avec Bassompierre parce qu'il refusait en son Grand Conseil d'opiner, prit cette fois-ci le parti d'ignorer son silence et dit, s'adressant à ma personne
- Mon cousin, qu'en pensez-vous ?
…tant pair de France et appartenant à son Grand Conseil, il n'était pas hors d'usage que le roi me consult‚t. Il était toutefois surprenant qu'il le fît, s'agissant d'une affaire de stratégie débattue par des maréchaux.
- Sire, dis-je, je ne suis pas grand clerc en la matière, mais il me semble qu'une attaque par le flanc, devançant une attaque frontale, pourrait emporter plus rapidement la position.
- Monsieur le Cardinal, dit Louis, qu'opinez-vous ?
- Sire, dit Richelieu, plaise à Votre Majesté de me permettre un retour vers le passé qui soit susceptible d'éclairer le présent. Le connétable de Montmorency, en 1537, se présentant devant Suse, l'attaqua de front, et
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