Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
attaque pour attaquer à leur tour, dit le comte de Sault en apparaissant à ma dextre, et comme moi à plat ventre dans la neige. Et du diantre si nous allons les faire languir davantage.
    Et tournant la tête en arrière, je vis une compagnie d'arquebusiers suisses ramper sur deux lignes, l'une pour garnir la crête, et la seconde en retrait d'une toise pour remplacer les premiers, une fois que leurs mousquets seraient déchargés.
    - La cible est presque trop bonne, dit le comte de Sault à voix basse et j'ai presque vergogne à tirer sur ces pauvres gens.
    Cependant, empoignant son pistolet, il l'éleva au-dessus de sa tête et tira en l'air, imité aussitôt par le capitaine, le lieutenant et l'enseigne du régiment. Ces quatre coups successifs étaient le signal que les arquebusiers attendaient,
    car ils l‚chèrent leur coup tous à la fois sur la barricade. Cette mousquetade éclata comme un tonnerre, brève, mais assourdissante, et quand la fumée des armées à feu se fut dissipée, je vis les Savoyards des barricades refluer en désordre par les grandes portes de la ville et les franchir pour se mettre à l'abri. Au même instant, l'armée royale déferla sur la route et, n'encontrant aucune résistance, occupa les barricades et s'engouffra par les portes que l'ennemi, dans son épouvante, avait laissées ouvertes.
    - Belle lectrice, avez-vous affaire à moi ?
    - Monsieur, je suis fort étonnée. II me semble que ce n'est pas ainsi qu'à
    l'ordinaire on conte le combat du Pas de Suse.
    - En effet, Madame, je n'ai pas encore touché mot des deux versions de l'événement qui sont les plus connues : la française et la savoyarde, et la raison de ce silence c'est que ni l'une ni l'autre n'emportent mon adhésion.
    - Monsieur, avec votre permission, j'aimerais, toutefois, les ouÔr.
    - Les voici. Je vous fais juge et arbitre de mes réticences à les prendre tout à fait au sérieux. La version française communément admise est due au maréchal de Bassompierre. La campagne d'Italie finie et de retour en Paris, il conta cette version-là à la princesse de Conti, à la duchesse de Chevreuse, au reste des vertugadins diaboliques, en bref àtoutes celles et ceux qui, à la Cour, tenaient le roi et le cardinal en grande haine et déprisement. Madame, plaise à vous de revenir avec moi quelque peu en arrière dans le temps, c'est-à-dire au moment o˘ les Suisses du comte de Sault, mousquet au poing, ne sont pas encore apparus sur la crête qui domine le flanc sud des barricades. Sur la route, l'armée royale, immobile comme j'ai dit à cent toises desdites barricades, attend l'arme au pied.
    Une fois de plus, Louis a fait
    par son hérault demander libre et amical passage au duc de Savoie et, une fois de plus, le duc de Savoie a rejeté cette proposition. Et qui s'impatiente alors, sinon notre grand Bassompierre, notre superbe Bassompierre, et il le dit au roi en ce style amphigourique et métaphorique dont nos pimpésouées de cour sont tout à plein raffolées, mais que déteste le roi, qui comme son père aime le parler rude et roide du soldat.
    " - Sire, dit Bassompierre, l'assemblée est prête, les violons sont entrés et les masques sont à la porte. quand il plaira à Votre Majesté, nous danserons le ballet.
    " ¿ quoi le roi répond qu'il n'a pas cinq livres de plomb dans le parc de l'artillerie. quel curieux propos Bassompierre lui prête ici ! Madame, ne trouvez-vous pas étrange que le roi se plaigne de ne pas avoir de munitions, alors que, s'il les avait, il ne pourrait pas les utiliser, son artillerie étant restée, comme vous savez, dans la fortezza d'Exilles, c'est-àdire à deux bons jours de marche de Suse. Le roi est-il donc fol devenu ? A-t-il perdu tout à plein mémoire et mérangeoises, et le pauvret sait-il encore ce qu'il dit ?
    " Bien entendu, Bassompierre balaye cette objection stupide d'un tournemain. Mieux même, il gronde et morigène le roi comme on ferait avec un béjaune, et par sa fougue, semble-t-il, emporte la décision.
    " - Sire, dit-il, il est bien temps maintenant de penser àcela ! Faut-il parce qu'un masque n'est pas prêt que le ballet ne danse pas ?
    " Madame, ne voyez-vous pas quel beau rôle Bassompierre se baille céans !
    Dans quel magnifique péplum il se drape! Et à côté de ce pauvre Louis, qui apparaît, sous sa plume déprisante, faible, fol, et falot, quelle belle statue Bassompierre sculpte de lui-même en hérault superbe, plein de cette furia francese,

Weitere Kostenlose Bücher