Complots et cabales
tour entraînant de ma part, sinon des excuses que je ne sache pas que je lui dusse, mais à tout le moins des mignonneries et des enchériments, nous sentîmes bien l'un et l'autre que l'heure n'était plus aux paroles. Et encore que Catherine ne voul˚t en rien renier ses folles accusations, toutefois elle
ne les reprit pas, tant est que par un accord tacite nous feignîmes de les oublier et, gr‚ce au ciel, la nuit finit plus tendrement qu'elle n'avait commencé.
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Louis ne demeura à Orbieu que deux jours et deux nuits. Il repartit le vingt et un juillet et en notre dernière repue, se tournant vers Catherine, il lui dit
- Ma cousine...
Bien que l'appellation f˚t protocolaire s'adressant à une duchesse, Catherine ne pouvait l'ouÔr sans un plaisant rosissement de la face et un petit brillement de son oeil.
- Ma cousine, reprit le roi après un temps de silence, mon cousin, Siorac que voici, est un des rares ducs en ce royaume qui ne pleure pas sa peine quand il s'agit de servir son roi et de bien administrer son propre domaine. Il me plaît donc qu'il en soit remercié, récompensé, et d'autant plus qu'il m'a si bien servi en Italie et en la campagne du Languedoc. J'ai demandé à Monsieur le cardinal, quand il sera sur le chemin du retour, de passer par Montfortl'Amaury et de l'emmener avec lui, ainsi que vous-même, ma cousine, en Paris. Cela adviendra aux alentours du dix septembre, tant est que, pendant un peu plus d'un mois, je le laisse, ma cousine, à votre bonne garde...
- La grand merci, Sire, dit Catherine, quasiment les larmes au bord des cils.
Louis vit ces larmes et tout aussitôt, sans transition, se mit à parler de chasse. Tout ce qui était féminin dans la conduite des femmes lui inspirait de l'antipathie, sans doute parce qu'il pensait alors à sa mère et se ramentevait ses scènes, ses crises, ses sanglots, ses fureurs. Cependant, contrairement àce que murmuraient tout bas les coquebins du Louvre, il aimait les femmes, mais là un autre noeud d'étranglement apparaissait, noué
en ses maillots et enfances. On avait tant craint et redouté qu'il devînt, comme son père, le volage adorateur du gentil sesso, que des prêtres bien intentionnés l'avaient élevé dans une profonde horreur du péché de chair, présenté comme le plus horrible, et si j'ose dire, le plus capital de tous, et par conséquent, le plus propre à vous précipiter le moment venu dans les flammes de l'Enfer.
¿ jamais, je pense, je me ramentevrai les deux remarques 138
que Louis me fit, tandis qu'au moment de son départir nous l'accompagnions jusqu'à sa carrosse, Catherine et moi.
- Nos bons corsaires, dit-il, ont fort bien combattu, pendant le siège de La Rochelle, contre les flottes anglaises. Et parmi eux furent hors de pair, en leurs exploits, Monsieur de La Lathumière et vos deux frères Pierre et Olivier de Siorac. Et comme ils sont tous les trois cadets nobles, mais sans titre, je vais avant peu leur conférer celui de marquis.
Vous pourrez dès maintenant le leur annoncer.
Je le remerciai, fort trémulant de la joie que j'allais donner à mes frères en leur apprenant sans tant languir par lettre-missive ces merveilleuses nouvelles, et d'autre part, ma Catherine se trouvant très liée avec Madame de La Lathumière, elle fut fort aise à la pensée d'avertir sa grande amie d'un avancement qui allait la mettre beaucoup plus en joie que son mari, lequel préférait, à des titres, la gloire et les pécunes. Je remerciai Louis avec chaleur d'honorer ainsi ma famille, et comme il allait monter en sa carrosse je lui dis .
- Votre Majesté, après avoir triomphé à Suse et au Languedoc, doit être bien aise de se retrouver enfin en Paris.
- Point du tout autant que je l'aimerais, dit Louis en s'assombrissant.
D'après ce que j'ai ouÔ, j'y vais retrouver les mêmes cabales qu'à mon département, lesquelles, en vertu de ma longue absence, auront probablement empiré en méchantise et en venin.
Dès que la carrosse l'emporta, entouré de sa garde et précédé par ses trois régiments, Catherine me lança un oeil interrogatif, fort intriguée qu'elle était par les propos si tracasseux du roi à son départir. Mais la présence de Monsieur de Saint-Clair et de Lorena mit un boeuf sur sa langue, et ce n'est que le soir au coucher qu'elle y revint au cours de ce qu'elle appelait ~
le babil des courtines ", ces courtines étant celles qui nous fermaient du monde dans notre baldaquin et
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