Complots et cabales
faudrait pour diriger les grandes affaires. Et bien le prouva Gaston quand il réclama àcor et à cri le commandement du siège de La Rochelle.
Puisje vous ramentevoir, Madame, ce quasi comique épisode ? De guerre lasse, on l'envoya à La Rochelle sous la discrète surveillance des maréchaux. Gaston n'y fit rien qui val˚t. ¿ la première sortie des Rochelais, il voulut paonner sa bravoure et se porta au premier rang de l'action, tant est que ses hommes cessèrent d'être commandés. Le soir même, d'un ton quelque peu doux et aigre, mais avec tout le respect d˚ à son rang, le maréchal de Schomberg remontra à Gaston qu'il s'était comporté en soldat et non en chef. Mais de toute façon Gaston n'avait pas la vocation des armes. Au bout de quelques petites semaines, le climat venteux et tracasseux de l'Aunis et surtout la monotonie harassante de la vie militaire le dégo˚tèrent tout à plein. Alors, sans crier gare, et sans la moindre vergogne, il planta là son armée, il s'en retourna de son propre chef en Paris o˘, pour échapper à la surveillance de la reine-mère, il se logea, non au Louvre, mais dans un petit hôtel discret. Et là, dans un perpétuel farniente, il se livra à ses débauches, à ses repues, et aux petites pitreries dont il était raffolé.
< Non qu'il f˚t sot, Madame, il avait, au rebours, beaucoup d'esprit. Mais c'était un esprit vautré. Et bien qu'il f˚t mieux garni en mérangeoises que la plupart de ses contemporains, il était trop nonchalant pour les utiliser. En voulezvous un exemple ? En ses jeunes années, le roi, oyant que le régent de son frère, le maréchal d'Ornano, l'encourageait à
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s'opposer à la volonté royale, dépêcha le maréchal en prison. Aussitôt Gaston, sans l'ombre d'une preuve, se persuade que c'est Richelieu qui a inspiré cette mesure. Et alors, sans davantage réfléchir, il décide de l'assassiner. Voici un conte que j'ai déjà fait pour vous, Madame, et je le résume en cinq lignes. Gaston envisagea, avec une trentaine d'amis, de se faire inviter par le cardinal en son ch‚teau de Fleury en Bière. Et là, ses amis feindraient, au cours de la repue, de se prendre entre eux de querelle, les épées jailliraient du fourreau, et dans le tumulte qui s'ensuivra, une épée traverserait, par le plus grand hasard, le coeur du cardinal.
- Et qu'arriva-t-il ?
- Le cardinal connut le complot avant même qu'il f˚t au point, et allant trouver Gaston à son lever, l'intimida par son escorte, et en même temps lui offrit gracieusement d'échanger le ch‚teau de Fleury en Bière contre celui de Gaston, qui était bien moins commode. Gaston trouva le cardinal < fort charmant", accepta son offre et il ne fut plus question de repas à
l'italienne. Ramentez-vous en ce qui concerne l'Italie, belle lectrice, que si Gaston par son père est un Bourbon, il est par sa mère un Médicis.
- J'ai aussi ouÔ dire, Monsieur, que les conseillers de Gaston étaient fort mauvais.
- Madame, mauvais ! Je dirais plutôt, en citant cette belle langue latine en laquelle je fus nourri en mes enfances, qu'ils étaient abominandi atque exsecrabiles ! Voici les noms de ces tristes sires : Le Coigneux, Bellegarde, Puylaurens. Le pauvre Gaston était entre leurs mains comme la marotte d'un bouffon: ils en faisaient ce qu'ils voulaient.
- J'avoue, Monsieur, que mon savoir, ici, me faille. qu'est-ce qu'une marotte ?
- Une marotte, belle lectrice, est un sceptre surmonté d'une tête coiffée d'un capuchon bigarré et garni de grelots. Le bouffon l'agite à sa guise, le jette en l'air, le rattrape, le branle pour sonner ses clochettes, bref, fait avec lui mille tours. Mais dans le sens figuré du terme, la marotte est quiconque, homme ou femme, qui est tombé sous l'emprise 187
d'un conseiller, et ne fait rien sans lui. Vous vous rsmentez sans doute que Marillac et Bérulle, nos bons apôtres, finirent par persuader la reinemère que Richelieu, au cours des années, avait fait d'elle sa " marotte", ce qui la mit contre lui dans des haines, des fureurs et des ressentiments qui ne peuvent se dire.
" Pour en revenir à Gaston, dès que la première campagne d'Italie fut envisagée...
- Monsieur, pourquoi la première ? Y en a-t-il donc une seconde ?
- Il y en aura une seconde, Madame, je le crains. Mais c'est demain au Grand Conseil du roi que nous aurons àenvisager la mauvaise tournure que prennent nos affaires en Italie. Pour en revenir à la première expédition
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