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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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avait bien un peu entamé l’optimisme familial concernant l’improbable morte-saison dans les activités électriciennes. Mon frangin, toujours lui, vint rapidos remettre du baume au cœur de nos parents, me procurant – ses relations sur la place étaient nombreuses et la fraternité ouvrière agissante dans les boulots du bâtiment – la gâche  [6] rêvée de petit compagnon, dans une entreprise artisanale naissante mais promise à un rapide développement. C’était reparti !
    Pour artisanale, l’entreprise Marcello Figini l’était suprêmement. Une pièce, en rez-de-chaussée sur cour dans un immeuble lépreux de la rue du Poteau, y tenait lieu de siège social, de bureau, et d’une fort mince réserve de matériel ; mon nouveau taulier préférant se fournir en appareillage à mesure que le nécessitaient les travaux, dans une boutique de demi-gros du quartier, où un compte lui était ouvert. Devant cette cambuse exiguë, dépourvue d’électricité comme de téléphone, stationnait la voiture à bras, marquée fièrement au nom de l’entreprise, non loin d’une borne de fonte patinée par le temps et d’une chiotte décorée – Dieu sait pourquoi ! – d’une découpe en forme de cœur, et irradiant une forte puanteur d’urée. Tout ceci ne constituait pas le décor de mes rêves.
    Bien heureusement, j’y passais très peu de temps chaque jour durant ma première quinzaine. Celui d’un balayage de la cagna, durant que le joyeux Marcello s’en aille au troquet voisin donner à la clientèle quelques coups de téléphone. Il en rabattait au petit trot, animé d’une démangeaison de labeur incroyable, qui se traduisait par l’ouverture de chantiers multiples, sa tactique pour s’assurer une continuité de boulots, peu satisfaisante pour le client, impatient de voir luire ses ampoules, mais lui donnant l’impression d’avoir traité avec une entreprise surchargée de commandes, mais légère en effectifs ouvriers. En effet, je demeurais seul, sorte de figurant, à venir rassurer les clients furieux par une demi-journée de présence sur le tas. La consigne donnée par Figini était d’étaler le maximum de moulures et de fils de façon à rendre crédible l’imminence de la réception par la C.P.D.E., de l’installation puis de la fourniture de courant  [7] .
    Passé cette période probatoire, dont je me tirai à mon honneur, le taulier, marque de confiance, m’affecta à demeure au plus important ouvrage qu’il avait entrepris, le chantier de la pâtisserie Rumpelmayer, rénovation totale de l’important réseau du sous-sol, lieu enchanté où une bonne vingtaine de bonshommes s’affairent dans une atmosphère tiède, embaumant la vanille, le chocolat en fusion, et les pâtes fines finissant de refroidir au sortir du four. Dès mes premiers pas dans l’endroit, je suis marron au pif, quimpé à la fragrance, salivant tel un cador en chasse. J’en suis distraitement les explications du joyeux Marcello, me fixant dans quel ordre doit être exécuté l’ouvrage de façon à ne perturber qu’au minimum la fabrication. Le maître pâtissier, un gentil bonhomme, mais dont l’autorité sur sa troupe paraît ne devoir être contestée par personne, coupe le sifflet à mon taulier. Lui, et lui seul, sera à même de fixer la succession des boulots. Figini s’incline et se fait la paire emmenant la voiture à bras vers je ne saurais dire quel client. Pour moi, c’est à la pose de deux lampes supplémentaires dans le réduit où œuvrent trois confiseurs que le maître pâtissier m’affecte tout d’abord, m’ayant bonassement averti :
    — Tu manges ici tout ce qui te fait envie !… Mais, attention, interdiction d’emporter quoi que ce soit !… Compris ?…
    Manger tout ce qui me faisait envie !… La licence n’était pas tombée dans l’esgourde d’un sourdingue. Quelques chocolats au Grand Marnier, ce jour-là en chantier chez les confiseurs, m’ouvrirent l’appétit pour une tranche de roulé au moka, puis deux tartelettes aux amandes. Je crus tout d’abord que de la gratuité de ce régal me venait l’impression de saveurs nouvelles me flattant le palais ? Errance !… Il s’agissait de qualité. Des pâtisseries, certes, existaient à La Chapelle. Elles se cantonnaient dans l’éclair, café ou chocolat, la religieuse, le baba, le puits d’amour, le chausson aux pommes, et au temps des premières communions dans le sempiternel saint-honoré.

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