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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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là à cent lieues de la frairie cochonne du jour de l’Armistice, tout aussi loin du désinvolte comportement d’Octave se présentant dans quelque office et prévenant, la lèvre fleurie :

— Mon nom est Octave !… Octave Ardent !… Ardent pour vous servir, mesdames !…
    Ne se gênant pas, si son madrigal à l’emporte-pièce amorçait des rires, pour claquer plaisamment la paire de fesses le mieux à portée de sa main, voire soupeser un sein qu’on lui dérobait gaiement. Exemple que j’aurais été malvenu de suivre avec nos petites copines. Sans outrageusement me bêcher, les mignonnes me montraient une froideur que ma désertion du rendez-vous, elle n’avait pas excédé deux mois, ne suffisait pas à expliquer. Plus mèche pour mézigue d’isoler une de ces inspirantes pour le balbutiant compliment que je méditais d’adresser sans en trouver jamais le courage. Je m’en trouvais réduit aux bavardages de groupe, où mes timides prises de parole me valaient rarement la réplique. J’en devenais d’humeur chagrine. Un soir où je m’ouvrais auprès de « Maurice portefeuille » de mon désappointement devant cette sorte d’ostracisme enfantin, il m’en donna la clé :
    — Elles trouvent, les mômes, qu’avec tes bleus, tu fais vraiment trop ouvrier !…
    *
    Ce fut peu après cette révélation déprimante que je perdis Octave, mon bon mentor. Nous avions terminé la quinzaine précédente un chantier exemplaire, l’équipement en neuf d’un mahousse appartement de huit pièces, depuis la colonne montante jusqu’au réseau de sonneries, et ma vieille ambition d’apprendre comment vivaient les rupins avait eu presque un mois pour se satisfaire ; la leçon par l’exemple du savoir bien vivre. Selon sa règle, l’aimable Octave nous avait dès le second jour du chantier assuré le casse-graine de dix heures et les deux couverts du déjeuner, ayant littéralement subjugué la cuisinière bourguignonne comme la soubrette bretonne. Du client, nous ne vîmes jamais que des portraits. Devinant quel remue-ménage nous allions mener dans la maison, cet homme de bien s’en était allé en Afrique visiter des « comptoirs », d’où selon les confidences ancillaires il tirait d’énormes revenus. Il ne pouvait s’agir, Octave me le précisa, de comptoirs de bistrots, ainsi que j’aurais facilement pu l’imaginer. Quant à la cliente, une Junon, à chignon fauve, ainsi que la désignait Octave, tous les prétextes paraissaient lui être valables pour fuir le fracas de nos marteaux, et nous la voyions décarrer sur les dix plombes, sapée en cavalière, pour sa promenade au Bois. De retour vers une heure, et son déjeuner vivement expédié, redécarrade de la dame, nul ne pouvait dire vers quelles mystérieuses occupations : visites, thés, expositions, bridges ?… Encore ne s’agissait-il en l’espèce que des suppositions les plus respectueuses avancées par Yvonne la soubrette, Joséphine la cuistote opinait, elle, avec une sorte de jubilation maléfique, pour des distractions moins innocentes : thés dansants hantés de gigolos, voire bals-musettes à apaches, sans négliger la prospection des garçonnières des amis de Monsieur !… Comme on voit, de fières dégrêneuses, ces usagères de la troisième personne, même dans l’insinuation calomnieuse : « Madame doit être en train de se faire enfiler par son dentiste !…» avançait Joséphine ; « J’pense plutôt au petit Fauré, moi…», rétorquait Yvonne. «… Madame bridge chez sa grand-mère… et il lui a téléphoné trois fois en deux jours… j’ai bien reconnu sa voix !… Il a une garçonnière rue de la Pompe, un rez-de-chaussée… je le sais par le chauffeur !…»
    Ce genre de ragot, savoir qui tringlait qui, formait l’essentiel des conversations de ces ménesses durant que nous prenions le caoua à l’office, la taulière à peine éloignée. J’en ressentais un sourd malaise, comme causé par une indiscrétion que j’aurais commise, et plus clairement la sensation d’une injustice à l’égard de cette Madame que je trouvais, moi, plutôt chouette, aimable et nullement hautaine. Surtout que la Joséphine et l’Yvonne, question enfilade, se trouvaient pas à la bourre ! « Ardent pour vous servir, mesdames ! », la devise d’Octave n’était pas propos en l’air. J’avais surpris la chose. Joséphine, c’était dans la cuisine même qu’il la sabrait, les miches bien

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