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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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calées sur l’angle de la grande table rustique, dès qu’Yvonne s’absentait pour quelque course. Pour la soubrette, profitant du départ de Joséphine chez ses fournisseurs, Octave, le prodigue, la carambolait sur le grand canapé du salon, prenant, me semblait-il, davantage son temps. Ce micmac galant, je l’avais par hasard surpris, n’étant pas de nature à épier, et j’en connaissais le déroulement des épisodes à quelques minutes près, sans que ma curiosité fût piquée. Ce qu’il m’avait été donné d’entrevoir, oh ! fugacement, de ces gymnastiques, me donnait comme un sourd malaise, proche de l’écœurement, et en aucune façon d’envie imitative, de désir de me substituer à Octave besognant d’un membre roide le barbu baveux de la cuistote. Mes rêveries érotiques d’alors se trouvaient toujours chargées d’un potentiel affectif, allant jusqu’à l’élégiaque, pente d’esprit assez cornichonnesque dont je ne devais jamais totalement me corriger. « Mon cœur soupire… la nuit, le jour… qui peut me dire… si c’est d’amour ?…» Cette mélodie me paraissait le moule idéal où se devaient fondre les belles passions ! Comme on en peut juger, c’est chargé d’un lourd handicap que je partais pour la course au bonheur ! On n’est pas impunément formé à l’école de la romance.
    *
    Un matin, je me présentais à l’attachement, ma boîte à outils coquettement calée sur la hanche. J’étais le premier au rendez-vous. Octave devant s’être attardé au zinc d’un troquet, à disputer une tournée au zanzi  [5] . Je m’étais pointé un peu à l’écart, laissant défiler les compagnons à qui le maître gigal délivrait sa paperasse, assortie pour certains de recommandations à se bien conduire chez le client. Formulant ses mises en garde, son regard avait à plusieurs reprises dévié dans ma direction, sans que je m’en émeuve. La pièce où avait lieu l’attachement se vidait peu à peu sans qu’Octave parût, bientôt je restais en tête à tête avec le maître gigal. D’un signe impérieux de l’index, il m’invita à m’approcher. Lui-même s’était dressé et, me dominant de toute sa taille, me dévisageait curieusement.
    — J’ai plus de compagnon pour toi !… m’annonça-t-il, assez rudement. Ton compte est prêt à la caisse !
    De saisissement, je laissai choir à terre ma boîte à outils, où les ferrailles s’entrechoquèrent désagréablement. Pétrifié, je demeurais tout branque, traquant dans ma mémoire quelle connerie j’avais bien pu commettre pour mériter un traitement si rigoureux. Octave ne m’avait récemment rien reproché de grave. Peut-être avais-je cessé de lui plaire ? J’hasardais l’hypothèse :
    — Octave ne veut plus de moi ?…
    Le maître gigal eut un petit ricanement.
    — C’est nous qui ne voulons plus d’Octave !… Tu dois savoir pourquoi ? Tu devais être au courant, hein ?… Prends pas ton air bête !… Tu aurais dû me prévenir…
    Au courant de quoi ? Le prévenir de quoi ?… Je nageais en plein cirage.
    — J’sais vraiment pas de quoi vous parlez !…
    Il aimait pas mes dénégations, le gigal. Il avait pris une voix coupante pour m’affranchir.
    — Tu te souviens du gros chantier ?… Vous avez traîné un mois dessus !… rue du Commandant-Rivière !…
    J’opinais de la tête, et amorçais une défense :
    — On est restés longtemps, mais y avait du boulot !…
    — Je vous reproche pas le temps passé… C’est le client qui casque… et il est satisfait… C’est les deux bonniches qui le sont moins !… Octave !… ton Octave !… il leur a engourdi leurs éconocroques !… au charme !… à la promesse de mariage !… Et toi, bonne bouille, t’aurais rien remarqué ?… À d’autres !…
    Je niais de la tête, tandis que me revenait en mémoire l’aveu d’Octave justifiant sa préférence pour les cuisinières : « Elles ont le sou du franc ! » Bien fait pour leur gueule à ces mômes, j’ai pensé un instant, me retenant de pouffer, en imaginant la Joséphine en renaud, l’Yvonne en pleurs. N’avaient qu’à faire gaffe à leur morlingue plutôt que de casser du sucre sur les endosses de leur taulière. Très vite, j’ai entravé que j’avais pas à me marrer du côté farce de la manœuvre d’Octave, vu que le maître gigal paraissait férocement décidé à me mouiller dans ce bain nauséeux.
    — Je souhaite

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