Consolation pour un pécheur
écouter.
— Un homme – un de mes patients – a été assassiné.
— Par le biais de la sorcellerie, m’a-t-on dit.
— Non, maître Shaltiel. Par une dague plongée dans le cœur. Il n’y a nulle magie là-dedans. Dans le même instant, une forte somme en or lui a été dérobée : un tiers appartenait à un homme de haute réputation et de grande importance pour notre communauté.
— La route de la sagesse n’est pas pavée d’or.
— Je suis d’accord avec vous. Mais Astruch des Mestre se sert de cet or pour venir en aide aux pauvres. Ce serait navrant qu’il ne puisse continuer à le faire. La conséquence néfaste d’un acte néfaste.
Isaac s’arrêta un instant.
— Vous me direz sans aucun doute que d’autres que lui viennent en aide aux pauvres, et je reconnais que vous avez raison.
— Vous lisez parfaitement dans mes pensées, maître Isaac.
— Surtout, je cherche à prévenir les retombées les plus funestes de cet acte. Les rumeurs nées de la mort de Gualter déclenchent une frénésie de peur et de cupidité qui, sous le couvert de la religion, peut provoquer beaucoup de mal. Quelqu’un doit localiser l’homme dont la main a tenu ce couteau, qu’il ait agi lui-même ou par procuration, et l’or pour lequel il a commis ce crime. Quelqu’un doit montrer à la multitude effrayée que nous n’avons pas affaire à une force magique, mais bien à un homme. Que nous ne luttons pas contre un châtiment divin ou infernal, mais contre l’avidité humaine.
— Vous croyez-vous capable de cela ?
— Doutez-vous de la capacité d’un aveugle à trouver l’assassin ?
— Je n’ai nul doute à ce sujet, Isaac. Chacun sait que vous pouvez trouver votre chemin là où un homme doté de la vue en serait incapable. Je ne m’inquiète pas de votre cécité physique, Isaac, mais de votre cécité spirituelle. Vous êtes trop têtu pour voir le danger qui règne autour de vous alors que vous parcourez en toute confiance ce labyrinthe.
— Je vois le danger, Shaltiel, mais parfois il ne me semble pas d’une grande importance de tenir compte de son existence.
— Prenez garde, Isaac. Car celui qui pèche doit souffrir de son péché.
Isaac s’éloigna d’un pas lent de la maison du philosophe. Soucieux, il réfléchissait aux paroles de Shaltiel.
— Isaac, mon ami, lui dit Astruch, une fois encore je recherche votre demeure pour déverser mes soucis. Si la perte de tout cet or ne constituait pas un désagrément suffisant…
— Un désagrément ? s’étonna Isaac.
— Je m’efforce de me convaincre qu’il ne s’agit que de cela – que des choses bien pires auraient pu m’arriver à moi et à ma famille au cours de ces derniers jours.
— C’est très vrai, reconnut Isaac, et c’est un point de vue très louable.
— Il vient de se passer quelque chose de plus effroyable encore. Le jeune Martí est venu me voir au sujet de la dette dont nous avons parlé. Il a apporté avec lui deux maravédis pour commencer à rembourser l’emprunt de son père. Si ce n’avait été aussi tragique, Isaac, j’aurais éclaté de rire. À ce rythme, nos petits-enfants – les vôtres, les miens et même ceux du jeune Martí – seraient tous morts avant que la dette ne fût honorée. C’était tout ce qu’il avait m’a-t-il dit. Je l’ai cru, Isaac, et je le crois encore. J’ai pris une pièce et lui ai laissé l’autre en précisant que j’avais l’intention de récupérer mon argent une fois l’or découvert et rendu, pas avant. Et maintenant – c’est du moins ce que plusieurs personnes m’ont affirmé –, voilà qu’il erre en ville et raconte à qui veut l’entendre que c’est moi qui ai tué son père.
— De vos propres mains ? fit Isaac, stupéfait.
— Cela, je l’ignore. Je ne puis dire s’il croit que j’ai moi-même commis cet acte ou ai envoyé un de mes agents. C’est ridicule ! C’est grotesque !
— C’est aussi très dangereux. Je connais un jeune homme qui est une relation du jeune maître Martí, ajouta-t-il. Je vais lui en toucher deux mots.
— Même si j’étais un homme assoiffé de sang – et le Seigneur m’est témoin que ce n’est pas le cas, Isaac –, pourquoi ferais-je une chose aussi insensée ? Prêter cinq mille pièces d’or à un homme et le tuer quelques jours plus tard pour les lui reprendre ?
— Pour avoir aussi les dix mille autres pièces d’or. C’est en cela que
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