Consolation pour un pécheur
kabbale. Il pressa le pas.
— Yusuf va courir chercher de misérables médecines susceptibles de soulager ton maître.
— Oui, seigneur.
Au lieu d’être introduit dans la chambre à coucher du philosophe, Isaac pénétra dans son cabinet et s’en montra quelque peu surpris.
— Maître Isaac, dit Shaltiel, je vous remercie de me rendre visite.
— Je suis venu à l’instant où j’ai appris que vous étiez malade, maître. Mais si vous l’êtes, vous devriez vous reposer dans votre lit.
— Je préfère vous voir ici, répondit le kabbaliste. Il y a certains problèmes dont nous devrions parler.
— Vraiment ? Il est toujours fort instructif de s’entretenir avec vous, maître Shaltiel. Mais en m’envoyant quérir ainsi, vous avez effrayé votre disciple, Avi, qui semble croire que la mort vous tient dans ses griffes. Vous n’avez cependant pas l’air de quelqu’un qui va mourir. Pas pour le moment, tout au moins.
— Je suis malade, maître Isaac. Quelques ennuis de digestion et une légère fièvre. En temps ordinaire, je n’aurais pas songé à vous déranger pour si peu, mais cela m’a donné une excellente excuse pour vous voir. Cela a aussi fait bouger le jeune Avi, qui est plutôt rêveur. Même si je lui répète constamment que les plus grands esprits doivent s’occuper à des études ennuyeuses et à un dur labeur. C’est un bon garçon, malgré tout. Mais je m’égare, maître Isaac. Asseyez-vous, je vous en prie. Il y a un siège, là, à côté de vous.
Yusuf rapprocha la chaise de son maître et Isaac s’assit.
— Désirez-vous que je vous examine, maître Shaltiel ?
— Pas maintenant, Isaac. Cela peut attendre.
Il tambourina des doigts sur le plateau de la table puis, d’une voix transformée, plus aiguë et plus assurée, il se mit à parler.
— Je ne vois rien de répréhensible dans le fait que vous consacriez une bonne partie de votre temps à soigner l’évêque. J’ai réfléchi à ce sujet et conclu qu’il n’y a rien de mal à cela.
— Merci, maître Shaltiel, répondit courtoisement Isaac.
— En revanche, je suis profondément troublé d’apprendre que vous l’assistez dans la quête de ce symbole idolâtre – cet instrument du mal – avec lequel il désire orner son temple.
— Je n’ai pas vraiment fait cela, maître Shaltiel.
— Je vous en prie, permettez-moi d’exposer mon propos, ensuite vous pourrez vous exprimer.
— Bien entendu.
— De plus, maître Isaac, vous avez entraîné votre innocente famille dans ce bourbier, y compris ce jeune garçon ici présent.
— Qui vous a raconté pareille chose ? Ce n’est pas vrai.
— On m’a raconté que votre fille Raquel et votre femme ont dû vous aider, ainsi que votre apprenti. À cause de cela, vous les avez mis, vous nous avez mis en danger. Une grande fureur, paraît-il, s’est emparée de la ville à cause de cet objet. Vos liens avec cette affaire, Isaac, et les liens de votre famille, font que cette fureur risque fort de s’abattre sur notre communauté, avec de terribles résultats. Si vous ne pouvez ignorer un faux dieu, Isaac, alors vous devriez vous efforcer de le détruire, pas le tirer de l’oubli.
Isaac demeura silencieux le temps de respirer profondément à cinq reprises et de lutter contre la colère qu’il sentait monter en lui. Le premier instant passé, ce ne fut pas de la colère contre l’érudit, qui avait consacré dix heures à méditer sur les voies de la sagesse pour chaque minute de commérage, mais une rage certaine contre ceux qui avaient abreuvé ses oreilles de mensonges et de vérités déformées. Il lui fallut attendre de redevenir maître de sa voix et de ses mots pour tenter une réponse.
— Maître Shaltiel, je ne doute en rien de votre sagesse ni de vos connaissances. Vous avez étudié à l’ombre de grands maîtres qui, pour certains, avaient été les disciples de Nahmanide 2 en personne. Je vous conjure malgré tout de considérer si cette information est correcte.
— S’il y a quoi que ce soit que l’on puisse dire en votre faveur, maître Isaac, répondit l’érudit d’une voix glaciale, je serais heureux de le découvrir.
— Permettez-moi de dire ce que je crois être en train de faire, et si vous y trouvez quelque mal, je vous écouterai et…
— Et m’arrêterai ?
— Et réfléchirai, corrigea Isaac.
— Vous avez toujours fait preuve d’obstination, Isaac, mais j’accepte de vous
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