Conspirata
entamons la
séance la plus grave dont il me souvienne. Nous devons déterminer le sort à
réserver aux criminels qui ont menacé notre république. Je voudrais que tous
ceux qui désirent parler puissent le faire. Je ne souhaite pas exprimer mon
opinion sur la question…
Il leva la main pour faire taire les objections.
— … Nul ne pourra dire que je n’ai pas joué mon rôle de
responsable dans cette affaire. Mais j’entends dorénavant me mettre au service
du sénat et, quoi que vous décidiez, soyez assurés que votre décision sera
appliquée. Ma seule restriction est que cette décision devra être prise aujourd’hui
même, avant la tombée de la nuit. Nous ne pouvons différer le verdict. Le
châtiment pour lequel vous aurez opté, quel qu’il soit, devra être immédiat. Je
demande à présent à Decimus Junius Silanus de donner son avis.
C’était le privilège du premier consul désigné que d’ouvrir
les débats, quoique je sois certain que ce jour-là, c’était un honneur auquel
Silanus aurait volontiers renoncé. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas trouvé
grand-chose à dire sur Silanus, en partie parce que j’ai du mal à me souvenir
de lui : au milieu des géants, il était un nain – respectable,
gris, ennuyeux, enclin à parler de ses problèmes de santé et de sa mélancolie
envahissante. Il ne serait jamais arrivé là sans l’énergie et l’ambition de
Servilia, qui voulait tellement que ses trois filles aient pour père un consul
qu’elle devint la maîtresse de César dans le but de favoriser la carrière de
son mari. Jetant de temps à autre des regards nerveux en direction de celui qui
le rendait cocu, Silanus parla avec hésitation des demandes contradictoires de
justice et de mansuétude, de sécurité et de liberté, de son amitié pour
Lentulus Sura et de sa haine des traîtres. Où voulait-il en venir ? Il
était impossible de le dire. Finalement, Cicéron dut lui demander directement
quelle peine il recommandait. Silanus prit une profonde inspiration et ferma
les yeux.
— La mort, déclara-t-il.
Le sénat frémit en entendant ce mot terrible. Murena fut
appelé ensuite. Je compris pourquoi Cicéron avait préféré le voir consul à la
place de Servius en cette période de crise. Il y avait en lui un côté solide et
carré lorsqu’il se leva pour parler, jambes écartées, ses mains replètes posées
sur ses hanches.
— Je suis un soldat, dit-il. Rome est en guerre.
Là-bas, dans nos campagnes, on viole nos femmes et nos enfants, on pille nos
temples et détruit nos récoltes. Et voilà que notre vigilant consul vient de
découvrir qu’on fomentait un chaos similaire dans notre mère cité. Si je
découvrais dans mon camp des hommes prêts à l’incendier et à assassiner mes
officiers, je n’hésiterais pas un instant à ordonner leur exécution. La peine
pour les traîtres a toujours été, doit et ne peut être que la mort.
Cicéron remonta ainsi tout le premier rang, appelant un ex-consul
après l’autre. Catulus fit un exposé à vous figer le sang sur les horreurs des
massacres et des incendies volontaires, et apporta lui aussi un soutien ferme
et définitif en faveur de la peine de mort ; les frères Lucullus firent de
même, ainsi que Pison, Curion, Cotta, Figulus, Volcacius, Servilius, Torquatus et
Lepidus ; même Lucius, le cousin de César, se déclara à contrecœur en
faveur de la peine capitale. Avec Silanus et Murena, cela faisait quatorze
personnalités de rang consulaire qui prônaient le même châtiment. Aucune voix
ne s’éleva contre. Les avis étaient tellement unanimes que Cicéron m’avoua plus
tard qu’il avait craint d’être accusé d’avoir brigué les votes. Après plusieurs
heures, durant lesquelles on n’entendit que des déclarations en faveur de la
peine de mort, il se leva et demanda si quelqu’un souhaitait proposer une peine
différente. Toutes les têtes se tournèrent naturellement vers César, mais ce
fut un ancien préteur, Tiberius Claudius Néron, qui se leva le premier. Il
avait compté au nombre des commandants de Pompée dans sa guerre contre les
pirates et parlait au nom de son chef.
— Pourquoi se presser autant, citoyens ? Les
conspirateurs sont sous les verrous. Je crois que nous devrions rappeler Pompée
le Grand pour qu’il se charge de Catilina. Une fois leur chef vaincu, nous
pourrons décider à loisir de ce que nous allons faire de ses laquais.
Quand Néron eut terminé,
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