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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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voulait dire qu’il détestait tant Cicéron qu’il
était prêt à sacrifier dix millions dans le simple but de faire que les gens le
jalousent et lui en veuillent. J’espérais secrètement que Cicéron recouvrerait
la raison dans les jours qui suivraient, ne fût-ce que parce que je savais qu’il
n’avait pas les trois millions et demi de sesterces, loin s’en fallait.
Néanmoins Cicéron était toujours d’avis que les revenus devaient s’ajuster aux
dépenses plutôt que l’inverse. Il s’était mis en tête de s’installer dans
Clivus Victoriae pour vivre dans le panthéon des grands noms de la république,
et était bien décidé à se procurer l’argent nécessaire, d’une façon ou d’une
autre. Il ne tarda pas à trouver un moyen.
    À cette époque, il ne se passait pratiquement pas un jour
sans qu’un conjuré survivant soit jugé sur le forum. Autronius Paetus, Cassius
Longinus, Marcus Laeca, les deux assassins potentiels, Vargunteius et
Cornélius, ainsi que beaucoup d’autres, défilèrent devant les tribunaux en une
lugubre procession. Dans chaque affaire, Cicéron était témoin pour le compte du
ministère public, et son prestige était tel qu’un mot de lui suffisait
invariablement à faire pencher la cour. Les uns après les autres, tous les
conjurés furent jugés coupables – même si, heureusement pour eux, le
temps n’était plus à l’urgence et aucun ne fut condamné à mort. Ils furent en
revanche déchus de leur citoyenneté et de leurs biens puis exilés dans le
dénuement le plus complet. Cicéron était presque plus redouté et détesté que
jamais par les conspirateurs et leurs familles, et il dut continuer à s’entourer
d’une garde pour sortir.
    Le procès le plus attendu de tous fut peut-être celui de
Publius Cornélius Sylla, qui avait été plongé jusqu’à son noble cou dans la
conjuration. Alors que la date en approchait, son avocat – c’était
inévitablement Hortensius – vint trouver Cicéron.
    — Mon client a une faveur à te demander, annonça-t-il.
    — N’en dis pas plus : il voudrait que je refuse de
témoigner contre lui ?
    — C’est exact. Il est totalement innocent et a toujours
eu la plus grande considération…
    — Oh, épargne-moi toute cette hypocrisie. Il est
coupable et tu le sais aussi bien que moi.
    Cicéron sonda le visage impassible d’Hortensius pour essayer
de l’évaluer.
    — En fait, tu peux lui dire que je suis prêt à me taire
sur cette affaire, mais à une condition.
    — Qui est ?
    — Qu’il me donne un million de sesterces.
    Je prenais comme d’habitude cette conversation en notes,
mais je dois dire qu’à ces mots ma main se figea. Même Hortensius qui, après
trente années de barreau romain, n’était pas choqué par grand-chose, parut
interloqué. Il partit cependant consulter Sylla et revint un peu plus tard ce
même jour.
    — Mon client voudrait te faire une contre-proposition.
Si tu es prêt à prononcer le plaidoyer de clôture pour sa défense, il te paiera
deux millions.
    — D’accord, répondit Cicéron sans la moindre
hésitation.
    Il ne fait guère de doute que, si Cicéron n’avait pas conclu
ce marché, Sylla aurait été condamné à l’exil, comme les autres ; on
disait même qu’il avait déjà fait transférer une grande partie de sa fortune à
l’étranger. Aussi, quand, le jour d’ouverture du procès, Cicéron alla s’asseoir
sur le banc réservé à la défense, Torquatus, qui représentait le ministère
public, put difficilement contenir sa fureur et sa déception. Au cours de son
résumé des faits, il attaqua amèrement Cicéron, l’accusant d’avoir été un
tyran, de se poser en juge et en juré et d’avoir été, après Tarquin et Numa, le
troisième roi de Rome d’origine étrangère. C’était déjà pénible à entendre et,
pis que tout, ces piques suscitèrent quelques applaudissements parmi les
spectateurs du forum. Cette expression de l’opinion populaire parvint même à
percer la carapace d’amour-propre qu’avait érigée Cicéron et, quand vint son
tour de prononcer son plaidoyer de clôture, il tenta même de s’excuser.
    — Oui, dit-il, j’imagine que mes réussites m’ont rendu
trop fier et m’ont conféré une sorte d’arrogance. Toutefois, de ces réussites
glorieuses sans effusion de sang, je ne vous dirai que ceci : je serai
amplement récompensé d’avoir sauvé cette ville et la vie de tous ces citoyens
si aucun

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