Conspirata
en
émettant un rire de gorge curieusement aigu. Mon cher Cicéron, cette garce
passe son temps les jambes en l’air depuis qu’il est parti ! Ne me dis pas
que tu ne lui es pas passé dessus ? Si c’est vrai, tu dois être le seul
homme de Rome à ne pas l’avoir fait !
— Serais-tu ivre ? demanda Cicéron.
Il se pencha vers Clodius et le renifla en faisant la
grimace.
— Mais oui, tu es ivre. Je te suggère de rentrer
dessoûler et de surveiller ton langage à l’avenir.
Je crus un instant que Clodius allait le frapper. Pourtant,
alors, il eut un petit sourire narquois et se mit à agiter exagérément la tête
d’un côté puis de l’autre en se lamentant :
— Oh, je suis un affreux personnage ! Un affreux,
affreux personnage…
Il était tellement comique que Cicéron oublia sa colère et
se mit à rire.
— Allez, file, dit-il. Va donc faire tes bêtises
ailleurs.
Tel était Clodius avant qu’il ne se mette à changer :
un jeune homme fantasque – fantasque, gâté et charmant tout à la
fois.
— Ce garçon m’amuse, remarqua Cicéron après le départ
du jeune patricien, mais je ne peux pas dire qu’il me plaise beaucoup. Quoi qu’il
en soit, ajouta-t-il, je suis prêt à pardonner n’importe quelle grossièreté à
quelqu’un qui m’apporte des nouvelles aussi intrigantes.
À partir de là, il fut trop occupé à chercher à déterminer
toutes les implications du retour de Pompée et de son éventuel remariage pour
continuer à me dicter son poème. J’en fus reconnaissant à Clodius et ne pensai
plus à sa visite pendant le reste de la journée.
Quelques heures plus tard, Terentia vint dire au revoir à
son mari dans la bibliothèque. Elle partait célébrer les rites nocturnes des
mystères de la Bonne Déesse et ne serait de retour qu’au matin. Les relations
entre eux étaient assez tendues. Malgré l’élégance de ses appartements
personnels au premier étage, elle détestait toujours la maison, surtout les
allées et venues tardives dues aux réceptions louches que donnait leur voisine,
Clodia, et la proximité de la foule bruyante du forum qui la suivait d’un
regard insistant dès qu’elle sortait sur sa terrasse avec ses servantes.
Cicéron ne ménageait pas ses efforts pour se montrer aimable et tenter de l’apaiser.
— Et où la Bonne Déesse sera-t-elle célébrée, cette
nuit ? Si, ajouta-t-il avec un sourire, une information aussi sacrée peut
être confiée à un simple représentant de la gent masculine ?
(La cérémonie se tenait toujours dans la maison d’un grand
magistrat, dont l’épouse en supervisait alors l’organisation : elles s’en
chargeaient à tour de rôle.)
— Chez César.
— C’est Aurélia qui présidera ?
— Pompeia.
— Je me demande si Mucia sera là.
— Je pense. Pourquoi ne viendrait-elle pas ?
— Elle pourrait avoir trop honte pour se montrer.
— Pourquoi ?
— On dirait bien que Pompée divorce.
— Non ?
Terentia était intéressée malgré elle et incapable de le
cacher.
— D’où tiens-tu ça ?
— Clodius est venu me le dire.
Immédiatement, les lèvres minces de Terentia se serrèrent en
une ligne désapprobatrice.
— Alors c’est sûrement faux. Tu devrais vraiment faire
plus attention aux amis que tu fréquentes.
— Je fréquente qui je veux.
— Bien sûr, mais faut-il vraiment que tu nous les
infliges aussi ? C’est déjà assez pénible de vivre si près de la sœur sans
avoir à supporter le frère sous notre toit.
Elle se retourna et s’éloigna sur le sol de marbre blanc
sans même dire au revoir. Cicéron adressa une grimace à son dos étroit.
— D’abord, l’ancienne maison était trop éloignée de
tout le monde, et maintenant la nouvelle est trop proche. Tu as de la chance de
ne pas être marié, Tiron.
Je fus tenté de répondre qu’on ne m’avait guère donné le
choix en la matière.
Il avait été invité à passer cette soirée chez Atticus des
semaines auparavant. Quintus avait lui aussi été invité et, plus curieusement,
moi également : le projet de notre hôte était que nous soyons rassemblés
tous les quatre au même endroit et à la même heure exactement qu’un an plus tôt
pour boire au fait que nous tous et Rome avions survécu. Cicéron et moi
parvînmes chez lui à la tombée de la nuit. Quintus se trouvait déjà là-bas.
Mais, en dépit de la qualité de la nourriture et du vin, malgré la
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