Conspirata
plan politique, il estimait que Clodius s’était
révélé un parfait idiot – « Il a trente ans, pour l’amour du ciel,
pas vingt ! » – et que, du coup, sa carrière de magistrat était
terminée avant même d’avoir commencé. Il soupçonna aussi, non sans plaisir, que
César pourrait en pâtir également : le scandale s’était produit dans sa
maison et avait impliqué sa femme. Cela ne ferait pas bon effet.
Ce fut dans cet état d’esprit que Cicéron se rendit au sénat
le lendemain matin, un an et un jour après le débat sur le destin des conjurés.
La plupart des principaux sénateurs savaient par leur épouse ce qui s’était
passé et, tandis qu’ils attendaient dans le senaculum que les auspices fussent
pris, il n’y avait parmi eux qu’un sujet de discussion, ou du moins n’y en
eut-il plus qu’un après la tournée de Cicéron. Le Père de la Patrie passait
solennellement d’un groupe à un autre en affichant une expression de piété et
de gravité, les bras croisés dans les plis de la toge et secouant la tête, et
il propageait à contrecœur la nouvelle du scandale auprès de ceux qui ne la
connaissaient pas encore.
— Oh, regardez, disait-il pour conclure, voilà ce
pauvre César – tout cela doit être terriblement gênant pour lui.
César, le jeune grand pontife, n’avait effectivement pas
bonne mine alors qu’il se tenait seul dans le matin grisâtre de décembre, sa
fortune au plus bas. Sa préture, qui touchait maintenant à sa fin, n’avait pas
été une réussite : à un moment, il avait même été suspendu et avait eu de
la chance de ne pas être traîné devant la justice avec les autres partisans de
Catilina. Il attendait avec inquiétude de savoir quelle province lui serait
allouée. Etant donné ses dettes auprès des prêteurs sur gages, il faudrait qu’il
obtienne un gouvernement très lucratif. Et voilà que cette histoire ridicule
impliquant Clodius et Pompeia menaçait de faire de lui un bouffon. On aurait
presque été tenté de le plaindre à voir ses yeux meurtriers posés sur Cicéron
faisant le tour du sénat pour propager l’anecdote. Le plus grand fornicateur de
Rome, cocu à son tour ! Un homme de moindre trempe aurait passé la journée
à l’écart du sénat, mais ce n’était pas le genre de César. Une fois les
auspices lus, il entra dans la curie et s’assit sur le banc des préteurs, à
deux places de Quintus, pendant que Cicéron allait rejoindre les anciens
consuls de l’autre côté de l’allée centrale.
La séance venait à peine de commencer quand l’ancien préteur
Cornificius, qui se considérait comme le gardien de la probité religieuse,
profita d’une question de procédure pour demander un débat d’urgence sur les
événements « honteux et immoraux » qui s’étaient, semblait-il,
déroulés pendant la nuit dans la résidence officielle du grand pontife. En y
réfléchissant, cela aurait pu signifier la fin pure et simple de Clodius. Il n’était
même pas encore éligible pour siéger au sénat. Heureusement pour lui, le consul
qui présidait en décembre n’était autre que son beau-père par alliance, Murena,
et, quels que fussent ses sentiments personnels sur la question, il n’avait
aucune intention d’aggraver encore les ennuis de la famille.
— Ce n’est pas au sénat d’en débattre, décida Murena. S’il
s’est effectivement passé quelque chose, l’enquête relève de la compétence des
autorités religieuses.
Caton s’empressa de se lever, les yeux enflammés à la simple
idée d’une telle décadence.
— Alors je propose que cette chambre demande au collège
des pontifes de mener une enquête, déclara-t-il, puis de nous en communiquer
les conclusions dès que possible.
Murena n’eut d’autre choix que de soumettre la motion au
vote, et elle passa sans discussion. Cicéron m’avait confié plus tôt qu’il n’avait
pas l’intention d’intervenir (« Je vais laisser Caton et les autres faire
un esclandre s’ils en ont envie ; moi, je resterai en dehors de ça. Ce
sera plus digne »). Cependant, le moment venu, il ne put résister à la
tentation. Il se dressa, l’air grave, et se tourna vers César.
— Comme le scandale présumé s’est produit sous le
propre toit du grand pontife, peut-être pourrait-il nous épargner l’attente des
résultats d’une enquête en nous disant tout de suite si un outrage a été commis
ou non ?
César avait le visage
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