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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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de
Cicéron. Cette fois encore, elle portait un manteau serré sur sa gorge pour
dissimuler sa tenue sacrée.
    — Terentia ? s’enquit-il en s’avançant vers elle.
Que se passe-t-il ? Tu vas bien ?
    — Aussi bien que possible, répondit-elle d’une voix
glacée et vibrante de fureur. C’est Rome qui ne va pas bien !
     
    Les générations futures trouveront sans doute absurde que
tant de catastrophes aient pu découler d’un épisode aussi grotesque. En fait,
cela paraissait déjà grotesque à l’époque : c’est généralement ce qu’on
pense des excès de la morale publique. Mais l’existence humaine est étrange et
imprévisible. Un plaisantin casse un œuf, et il en sort une tragédie.
    Les faits sont simples. Terentia les raconta à Cicéron ce
soir-là et l’histoire ne fut jamais réellement mise en doute. Elle était
arrivée chez César et avait été accueillie par la servante de Pompeia, Abra – une
fille aux mœurs notoirement dissolues, bien assortie, en la matière, au
caractère de sa maîtresse et, en l’occurrence, de son maître aussi, quoiqu’il
ne se trouvât évidemment pas sur les lieux. Abra conduisit Terentia dans la
salle principale de la maison où Pompeia, hôtesse de la soirée, et les vierges
vestales attendaient déjà avec la mère de César, Aurélia.
    Moins d’une heure plus tard, toutes les matrones des milieux
dirigeants de Rome étaient réunies et les rites commencèrent. Ce qu’elles
faisaient exactement, Terentia ne nous le dit pas, sinon que la plus grande
partie de la maison était plongée dans l’obscurité quand, soudain, elles
avaient été interrompues par des hurlements. Elles se précipitèrent pour en
découvrir la source et tombèrent aussitôt sur une des affranchies d’Aurelia qui
faisait une crise d’hystérie. Entre deux sanglots, elle cria qu’il y avait un
intrus dans la maison ! Elle s’était approchée de ce qu’elle avait pris
pour une musicienne et s’était aperçue qu’il s’agissait en fait d’un homme
déguisé ! C’est à ce moment que Terentia s’aperçut que Pompeia avait
disparu.
    Aurélia prit aussitôt la situation en main et ordonna de
recouvrir tous les objets sacrés, puis de verrouiller les portes et de poster
des sentinelles. Ensuite, avec les femmes les plus courageuses, dont Terentia,
elles fouillèrent systématiquement l’énorme maison. Elles finirent par trouver,
dans la chambre de Pompeia, un personnage voilé, habillé en femme, qui tenait
une lyre et tentait de se dissimuler derrière un rideau. Elles le
pourchassèrent dans l’escalier puis dans la salle à manger. Il tomba sur un lit
de repas et elles lui arrachèrent son voile. Elles le reconnurent presque
toutes. Il avait rasé son mince collier de barbe et mis du fard à ses joues, du
noir sur ses yeux et du rouge à lèvres, mais cela ne suffisait pas à dissimuler
le joli visage du célèbre Publius Clodius Pulcher – « Ton ami Clodius »,
comme le rappela amèrement Terentia à Cicéron.
    Clodius, qui était complètement ivre, comprit qu’il était
découvert et sauta sur la table du triclinium, souleva sa robe en s’exposant à toute
l’assemblée, y compris aux vierges vestales, et profita de la panique et des
évanouissements pour quitter la pièce et s’enfuir de la maison par la fenêtre
ouverte de la cuisine. Ce ne fut qu’à ce moment que Pompeia réapparut avec
Abra, s’attirant aussitôt les foudres d’Aurelia, qui accusa sa belle-fille et
sa servante de collusion avec l’auteur du sacrilège. Toutes deux nièrent avec
force larmes mais la grande vestale annonça que leurs protestations importaient
peu : une profanation avait eu lieu, les rites sacrés devaient être
abandonnés et les femmes devaient toutes rentrer chez elles sur-le-champ.
    Tel fut le récit de Terentia, et Cicéron l’écouta avec un
mélange d’incrédulité, de dégoût et d’amusement douloureusement réprimé. Il lui
faudrait de toute évidence défendre une ligne morale très stricte en public et
devant Terentia – c’était proprement scandaleux, il était bien d’accord
avec elle – mais en secret, il trouvait aussi que c’était l’une des
histoires les plus hilarantes qu’il eût jamais entendues. En particulier l’image
de Clodius agitant sa virilité devant le visage horrifié des matrones les plus
guindées de Rome le fit pleurer de rire. Il garda cependant ses larmes pour l’intimité
de sa bibliothèque. Sur le

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