Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
Vom Netzwerk:
et mon système de
notes abrégées, et il était devenu un membre très apprécié de la maisonnée. Il avait
une voix mélodieuse, et Cicéron en avait fait son lecteur attitré. Il avait
dans les vingt-six ans et dormait dans une petite chambre au sous-sol, voisine
de la mienne. Ce qui commença par une toux sèche se mua bientôt en fièvre, et
Cicéron fit venir son médecin personnel pour l’examiner. Une série de saignées
ne lui fit aucun bien, pas plus que les sangsues. Cicéron était très affecté
et, presque tous les jours, venait s’asseoir un instant près de la couche du
jeune homme pour poser un linge mouillé d’eau fraîche sur le front brûlant du
malade. Pendant toute une semaine, je passai chaque nuit au chevet de
Sositheus, à l’écouter délirer et essayer de le calmer et de le convaincre de
boire un peu d’eau.
    Il arrive souvent avec ces terribles fièvres que la dernière
crise soit précédée d’une accalmie. C’est ce qui se passa avec Sositheus. Je m’en
souviens parfaitement. Il était bien après minuit, j’étais étendu sur une
paillasse à côté de sa couche, recroquevillé sous une couverture et une peau de
mouton pour ne pas avoir trop froid. Sositheus s’était calmé et, dans le
silence et la faible lueur jaune de la lampe, je m’assoupis à mon tour. Quelque
chose me réveilla et je vis en me retournant qu’il s’était assis et me
regardait avec une expression de terreur absolue.
    — Les lettres, dit-il.
    Cela lui ressemblait tellement de se préoccuper de son
travail en un pareil moment que je faillis pleurer.
    — Nous nous sommes occupés du courrier, lui assurai-je.
Tout est à jour. Rendors-toi, maintenant.
    — J’ai copié les lettres.
    — Oui, oui, tu as copié toutes les lettres. Dors à
présent.
    J’essayai de le remettre doucement en position allongée,
mais il se débattit. Il n’avait déjà plus que la peau sur les os et n’avait pas
plus de forces qu’un moineau, pourtant, il refusa de rester tranquille. Il
cherchait désespérément à me dire quelque chose.
    — Crassus sait.
    — Crassus le sait, bien sûr, répétai-je d’une voix
conciliante, puis je sentis alors comme un frisson d’effroi me parcourir.
Crassus sait quoi ?
    — Les lettres.
    — Quelles lettres ?
    Sositheus ne répondit pas.
    — Tu parles des lettres anonymes ? Celles qui
avertissaient des violences à Rome ? C’est toi qui les as copiées ?
    Il hocha la tête.
    — Comment Crassus le sait-il ? murmurai-je.
    — C’est moi qui le lui ai dit.
    Sa pauvre main osseuse chercha à me prendre le bras.
    — Ne te fâche pas.
    — Je ne suis pas fâché, assurai-je en épongeant la
sueur sur son front. Il a dû te faire peur.
    — Il a dit qu’il savait déjà.
    — Tu veux dire qu’il t’a piégé ?
    — Je regrette tellement…
    Il s’interrompit, poussa une plainte terrible – un
cri formidable pour quelqu’un d’aussi frêle – et se mit à trembler de
tout son corps. Ses paupières retombèrent, puis s’ouvrirent en grand une
dernière fois et il m’adressa un regard tel que je ne l’ai jamais oublié – tout
un abîme s’ouvrait au fond de ces yeux écarquillés – avant de tomber,
inconscient, dans mes bras. J’étais horrifié par ce que je venais d’entrevoir,
sans doute parce que c’était un peu comme de regarder dans le plus sombre des
miroirs – sans rien d’autre à offrir que l’oubli – et je
pris conscience à cet instant que ma mort serait pareille à celle de Sositheus,
sans descendance et ne laissant derrière moi aucune trace de mon existence. À partir
de ce moment, j’affermis ma résolution de noter tous les faits dont j’étais le
témoin, afin de donner au moins un sens, aussi modeste fût-il, à ma vie.
    Sositheus résista encore toute la nuit puis la journée du
lendemain, et il mourut au dernier soir de l’année. J’allai aussitôt en
informer Cicéron.
    — Pauvre garçon, soupira-t-il. Sa mort m’émeut plus que
ne devrait le faire la mort d’un esclave. Veille à ce que ses funérailles
témoignent de mon attachement à lui.
    Il se replongea dans son livre, puis remarqua que je me
trouvais toujours dans la pièce.
    — Oui ?
    J’étais confronté à un dilemme. Je sentais instinctivement
que Sositheus m’avait confié un grand secret, mais je ne pouvais savoir avec
certitude si c’était la vérité ou les délires de la fièvre. J’étais également
déchiré entre ma

Weitere Kostenlose Bücher